





Le coup de la citrouille
Jeudi le 1er décembre, dans le cadre de la « niche parlementaire », le groupe Les Républicains, conformément à la Constitution, disposait d’une journée pour débattre de propositions de loi. Chaque groupe dispose d’une journée par an. La règle, c’est que le groupe parlementaire peut décider des textes dont il souhaite débattre et le temps disponible est strictement limité à une journée de débat parlementaire, c’est à dire que les débats commencent à 9 heures et vont jusqu’à 13 heures puis reprennent de 15 heures à 20 heures et enfin de 21 heures 30 à minuit précise. Notre groupe avait fait le choix de proposer quatre textes de loi : un premier concernant la retraite des agriculteurs, un deuxième pour assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public, une troisième pour créer une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants et enfin une quatrième pour créer une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales.
La journée a bien commencé. Après des débats intéressants, pour que la retraite des agriculteurs soit désormais calculée sur les 25 meilleures années plutôt que toute leur carrière, un large consensus s’est dégagé et le texte fut adopté à l’unanimité dans l’hémicycle. Une étape très importante a ainsi été franchie grâce à une belle intelligence collective.
Pour les deux propositions suivantes, concernant l’expulsion d’étrangers, les discussions furent, comme on pouvait le prévoir, plus clivantes et moins consensuelles. Ainsi, à l’issue des débats, une alliance entre les députés de la minorité présidentielle et ceux de la Nupes a finalement conduit à un rejet de ces deux propositions. On peut le regretter mais c’est la règle de notre démocratie représentative.
C’est ainsi qu’en fin d’après-midi débuta la discussion autour de notre quatrième et dernier texte, celui consacré à la création d’une juridiction spécialisée pour les violences intrafamiliales. Il s’agit là aussi d’un sujet très important qui a, depuis plusieurs années, été fortement porté par notre groupe parlementaire en général et un député en particulier, Aurélien Pradié. Les débats en commission avaient montré que si plusieurs groupes souhaitaient encore discuter et amender le texte, une majorité était susceptible de se dégager in fine en faveur de ce texte dont la mesure centrale était jugée comme très importante puisque la création d’une juridiction spéciale pour traiter des violences intrafamiliales doit permettre à la fois une très grande rapidité de traitement et une meilleure protection des victimes grâce à des magistrats eux-mêmes spécifiquement formés et dédiés à cette question. Point de vue qui n’était pas partagé par les députés de la minorité présidentielle et comme nous avons pu le constater, par le gouvernement qui était représenté par deux ministres, celui de la justice et celle de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Dans un premier temps, les débats se sont déroulés comme habituellement et le processus parlementaire suivait normalement son cours. Même si nous trouvions surprenant que deux ministres interviennent systématiquement cela n’avait rien d’inquiétant dans la mesure où le temps encore disponible avant la coupure de 20 heures devait permettre d’avancer suffisamment et que la cinquantaine d’amendements déposés sur ce texte devait aisément pouvoir être débattue avant le fatidique coup de minuit qui indique la fin des débats, que le texte soit arrivé à la fin ou non. C’est à la reprise de 21 heures 30 que nous avons progressivement pris conscience du funeste dessein gouvernemental : faire coûte que coûte de l’obstruction pour empêcher l’adoption de ce texte.
Cela fut d’autant plus évident lorsque nous sommes passés au vote d’un amendement proposé par le rapporteur du texte Les Républicains, Aurélien Pradié, qui avait pour objet de proposer la création de pôles internes aux juridictions existantes plutôt qu’une juridiction distincte. Cet amendement était le fruit d’échanges de ce dernier avec de nombreux collègues de différents partis entre les travaux en commission et la séance dans l’hémicycle. Le gouvernement s’y est opposé par principe, puisqu’opposé à l’ensemble du texte. Le gouvernement avait été mis en minorité par l’acceptation de cet amendement, indiquant par là même que les débats allaient pouvoir se poursuivre et que la probabilité d’adoption de l’ensemble de la proposition de loi devenait de plus en plus réelle. C’est à ce moment précis que les deux ministres ont décidé de tout faire pour ralentir les débats.
Si l’on peut accepter que des députés usent de mesures dilatoires, voir le gouvernement procéder de la sorte est très choquant car ce n’est plus respecter la séparation des pouvoirs entre le législatif d’une part et l’exécutif d’autre part. C’est au moment même où cette stratégie du gouvernement était devenue évidente que je me suis permis d’intervenir pour tenter de donner une leçon de démocratie au gouvernement (voir la vidéo de mon intervention). D’autant que la semaine précédente, le gouvernement avait déjà usé exactement du même stratagème pour empêcher l’adoption d’un texte où il était minoritaire. La Première Ministre avait pourtant promis dans la foulée que cela n’arriverait plus.
Nous avons alors assisté à un formidable moment de démocratie puisque tous les groupes d’opposition ont décidé, ce qui est toujours très difficile, de retirer leurs amendements pour permettre l’adoption de ce texte. C’est ainsi que, malgré plusieurs autres tentatives d’interventions dilatoires du gouvernement, nous avons pu passer à un vote du texte à 23 heures 59 minutes. Et le résultat fut au rendez-vous, la proposition de loi a été adoptée par 41 voix pour et 40 voix contre. Finalement, ce texte fut doublement sauvé par le gong, celui de l’heure et celui du nombre de voix.
On peut dire que le coup de la citrouille, comme dans Cendrillon, ne s’est pas produit : le texte de loi est bien symboliquement resté un carrosse et ne s’est pas transformé en citrouille à minuit… Espérons désormais que le gouvernement aura compris une fois pour toute que la minorité présidentielle doit accepter qu’elle est effectivement minoritaire et qu’en aucun cas, le gouvernement ne doit entraver le bon fonctionnement démocratique de nos institutions, sous peine de se disqualifier.
Patrick HETZEL,
votre Député.
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