Budget de la mission Justice

Publié le 31/10/2019 dans les catégories Justice

Patrick Hetzel est intervenu dans l’hémicycle, en sa qualité de rapporteur spécial du budget de la Justice, dans la cadre du débat budgétaire.

« Madame la Présidente, Madame la Ministre, mes chers collègues,

En ce qui concerne la mission Justice, le projet de loi de finances pour 2020 propose une augmentation des crédits et des emplois de l’ensemble des programmes concernés.

Le montant des crédits demandés pour 2020 atteint près de 9 milliards d’euros en Autorisations d’Engagement (AE +0,67 %) et 9,4 milliards d’euros en Crédits de Paiement (CP +3,66 %) et le plafond d’emplois prévisionnel passe à 88 011 équivalents temps plein travaillés, soit un relèvement de l’autorisation de recrutement de 1 520 emplois.

Cette évolution des crédits et des emplois, certes positive, marque un décrochage par rapport aux engagements pris dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Celle-ci prévoyait en effet, pour l’exercice 2020, la création de 1 620 emplois et l’inscription en loi de finances initiale de 400 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires. En somme, en six mois, le gouvernement change déjà de pied, ce qui pose un énorme problème de crédibilité de la parole gouvernementale.

Sans compter, que nous doutons de la possibilité de réellement financer ces augmentations de postes avec une évolution quasi nulle de la masse salariale. Nous craignons donc qu’il ne s’agit là, une nouvelle fois, que d’une simple mesure d’affichage à des fins de communication gouvernementale mais qui ne sera pas réalisée concrètement en exécution budgétaire 2020.

Par ailleurs, le caractère pertinent de la budgétisation de certains postes de dépenses (tels que les frais de justice, l’aide juridictionnelle) ne va pas de soi.

Dans ce cadre, les indicateurs fournis à l’appui de la programmation offrent peu de perspectives d’une amélioration significative des performances du service public de la Justice en 2020.

Aussi, en tant que rapporteur spécial je recommande :

– de veiller au respect le plus strict des engagements pris au plan des crédits et des emplois dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice ;

– d’assurer un accroissement effectif de la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires et de mener à bien les opérations immobilières annoncées en application du Plan 15 000 places ;

– d’évaluer l’exact impact de la réforme de l’organisation judiciaire et des réformes procédurales censées diminuer les délais de jugement ;

– veiller au maintien d’un socle de crédits suffisant afin de prévenir un nouvel alourdissement des restes à payer en matière de frais de justice ; fonder la maîtrise de ce poste de dépenses sur l’amélioration du circuit des dépenses ; etc.

– de repenser le dispositif de l’aide juridictionnelle afin d’assurer une meilleure régulation de la dépense et la viabilité de son financement ;

– poursuivre la mise en œuvre de la transformation numérique du ministère de la justice et en évaluer les effets sur l’efficience du système judiciaire ;

En conclusion, alors que j’étais plutôt enclin à préconiser l’abstention, les débats en commission des lois et en commission des finances, mettent en lumière plus de problèmes qu’ils n’apportent des réponses et c’est pourquoi je préconise aujourd’hui un vote défavorable de ce budget car je doute hélas de sa sincérité. »