Déconjugaliser l’allocation adultes handicapés
Publié le 08/07/2022 dans les catégories Vie sociale
Avec l’ensemble des députés du groupe Les Républicains, Patrick Hetzel vient de déposer une proposition de loi qui vise à déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés.
Cette proposition de loi vise à revenir sur le débat relatif à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), créée par la loi du 30 juin 1975, qui est destinée aux personnes handicapées âgées de vingt ans ou plus, résidant en France. Elle est attribuée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour une durée d’un à cinq ans, si le taux d’incapacité du demandeur est au moins égal à 80 % - c’est l’AAH dite « 1 » - ou si le demandeur a un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % assorti d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi » (« AAH 2 »). L'AAH est traditionnellement considérée comme un minimum social, car elle est financée par l'État et versée sous condition de ressources de manière différentielle. A l’heure actuelle, le montant de l'allocation varie en fonction des revenus du conjoint et de la composition du foyer de l'allocataire (nombre d'enfants à charge) afin de porter le niveau de vie du ménage à un minimum.
L'AAH est la deuxième prestation de solidarité en France : elle est versée à 1,2 million de personnes, ce qui représente une dépense d'environ 11 milliards d'euros pour le budget de l'État. Les allocataires de l'AAH sont en majorité isolés, et 22 % vivent en couple, soit environ 270 000 personnes. L'AAH est cependant une prestation d'assistance assez particulière : l'assiette des revenus pris en compte est moins large que pour les autres minima sociaux, le mode de calcul des ressources personnelles est relativement plus avantageux et, surtout depuis les revalorisations significatives décidées par les présidents de la République successifs en 2008 puis en 2017, le niveau de la prestation est plus élevé que celui des autres minima sociaux. La création du RMI, devenu RSA, puis de la prestation de compensation du handicap (PCH), n'ont pas conduit à clarifier la nature de l'AAH, qui est à la fois un revenu minimal catégoriel et une prestation compensant l'éloignement de l'emploi, versée comme un substitut de salaire par la caisse nationale des allocations familiales.
Si la famille et la notion de foyer sont absolument fondamentales dans l’architecture de notre système social en ce qu’ils fondent et incarnent le socle de notre société, le cas des personnes en situation de handicap nécessite une considération particulière. A ce titre, l'individualisation de l'AAH répond à une aspiration sociétale profonde à davantage d'autonomie financière au sein du couple. Plus clairement, il s’agit pour des personnes déjà dépendantes en raison de leur handicap de ne pas être en plus dépendantes financièrement. La déconjugalisation de l'AAH serait également de nature à garantir une autonomie financière aux femmes en situation de handicap particulièrement exposées au risque de violence au sein du couple.
Plusieurs fois, au cours de la législature qui s’achève, le Parlement a été saisi à plusieurs reprises de ce sujet à l’initiative de différents groupes politiques et s’est prononcé en faveur d’une telle mesure tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Cependant, le Gouvernement a fait le choix, à l’occasion de la dernière discussion sur cette mesure, de rejeter le dispositif en le remplaçant par un abattement fiscal des revenus du conjoint, éludant ainsi la question de principe, fondement des revendications des allocataires et des associations. Une mesure de « faveur fiscale » ne serait en aucun cas corriger une injustice fondamentale.
Le Gouvernement n’a pas été à la hauteur des enjeux sous l’ancienne législature. Le sujet a eu de nouveau une importance particulière durant la campagne présidentielle. Emmanuel Macron a déclaré vouloir évoluer. Il est fort regrettable qu’il ne s’y engage que maintenant alors qu’il est alerté depuis des mois. Cette proposition de loi a une portée pratique, elle vise à permettre une adoption rapide du dispositif qui a déjà fait l’objet d’un large consensus, à l’exception d’une partie des rangs de la majorité à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi a également une portée symbolique, elle vise à rompre une injustice. L’attente des publics concernés est légitime et immense. La réponse strictement et petitement comptable du Gouvernement a été jusqu’ici vécue comme un mépris brutal et une injustice évidente. Aussi longtemps qu’une telle injustice demeure, la représentation nationale a le devoir de porter le débat et de le faire avancer.
La présente proposition de loi vise alors à corriger ce qui n’a pas pu l’être jusque-là. Nos concitoyens qui vivent en situation de handicap n’ont pas à attendre demain pour vivre dignement. C’est aujourd’hui et sans plus attendre qu’ils doivent retrouver toute leur dignité et leur place dans notre société. La présente proposition de loi est la première opportunité qui nous est donnée d’agir pour débuter cette nouvelle législature en envoyant un message symbolique à notre Pays. Plus que jamais, l’heure doit être à la cohésion nationale. Cette cohésion passe par l’accompagnement des plus fragiles et notre adaptation aux nouvelles formes de handicap. Le regard et l’accompagnement que nous portons sur le handicap disent tout de ce qu’est notre société. Par le passé, de grandes Lois ont fait de l’accompagnement des personnes en situation de handicap un levier de transformation de notre Pays. Le handicap n’est pas un sujet mineur. C’est un sujet majeur pour notre Nation, pour nos défis actuels et futurs, pour les valeurs que porte la République.