LFI veut ranimer la guerre scolaire : Hetzel dénonce une instrumentalisation de la commission d’enquête parlementaire sur les violences à l’école

Publié le 13/05/2025 dans les catégories Education nationale Médias

«LFI veut ranimer la guerre scolaire» : Hetzel (LR) dénonce une instrumentalisation de la commission d’enquête parlementaire sur les violences à l’école

Entretien Le Figaro publié le 13.05.2025 - L’ex-ministre de l’Enseignement supérieur accuse le mélenchoniste Paul Vannier de chercher à «faire la guerre à l’enseignement privé en général, et bien entendu catholique en particulier».

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LE FIGARO. - Comment observez-vous les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les violences et les contrôles de l’État dans les établissements scolaires, qui doit auditionner François Bayrou ce mercredi ?

Patrick HETZEL. - Avant tout, je suis très surpris de ce que fait le député LFI Paul Vannier, corapporteur de ladite commission. En effet, je trouve qu’il instruit très souvent à charge et la manière dont il interroge les personnes au cours des auditions montre qu’il fonctionne, et je pèse mes mots, tel un inquisiteur. Il a un tropisme très particulier. Lorsque la personne interrogée lui répond, souvent il va reformuler la réponse à sa façon, tout en introduisant un biais interprétatif systématiquement critique sur ce que vient de dire la personne. Je vais le dire tel que je le pense, je trouve que sa façon de procéder est malhonnête et ne rend absolument pas service à l’institution parlementaire. D’ailleurs, il n’en est pas à son galop d’essai puisqu’il est déjà l’auteur d’un rapport parlementaire en 2024 sur l’enseignement privé dont le contenu m’avait fortement choqué. À tel point que le second rapporteur, à côté du député Vannier, s’était désolidarisé de toute une partie du rapport, et beaucoup de recommandations n’étaient pas partagées entre eux. C’est dire... Ce travail était donc partiel et partial. Je vous invite à écouter ce qu’avait dit Annie Genevard, avant d’être nommée ministre de l’Agriculture, au sujet de ce rapport de 2024. Comme moi, elle avait été très choquée par son contenu et elle l’avait clairement exprimé.

Le mélenchoniste a déjà demandé la démission du premier ministre et ne cache pas son hostilité à l’égard de l’école privée sous contrat. Un tel parti pris peut-il nuire à l’objectivité attendue pour ce travail parlementaire ?

Évidemment. Monsieur Vannier nuit gravement à l’Assemblée nationale et au pays tout entier. Son approche est tout sauf objective. Il a clairement deux visées politiques très précises : remettre en cause la loi Debré d’une part ; et mettre en difficulté le premier ministre au sujet de l’affaire Bétharram pour fragiliser le gouvernement. Avec lui, LFI veut ranimer la guerre scolaire car c’est le fonds de commerce de son parti tout entier. Je crois qu’il est difficile d’avoir des mots assez durs pour qualifier sa démarche.

Violette Spillebout, la corapporteur Renaissance, assure pour sa part qu’aucun a priori dogmatique ne guide ces travaux…

Je veux bien croire que Violette Spillebout n’a pas d’a priori dogmatique dans la manière de conduire les travaux. Mais elle n’est justement pas seule. Celui qui biaise les choses, c’est le parlementaire Vannier.

À la lumière des nombreuses difficultés de l’Éducation nationale aujourd’hui, comment situez-vous la priorité de ces travaux ?

C’est une excellente question. Les difficultés de notre système éducatif sont nombreuses et, d’ailleurs, cette obsession à attaquer le privé sous contrat est inquiétante. Mais je crois que, hélas, les choses sont très simples : Monsieur Vannier a décidé de faire la guerre à l’enseignement privé en général et bien entendu catholique en particulier. Je pense que son objectif est de vouloir remettre en cause la loi Debré.

Avec «l’affaire Notre-Dame de Bétharram», du nom de cet établissement catholique du Béarn, les établissements privés sous contrat sont particulièrement ciblés. Est-ce justifié ?

Bien sûr que non ! La question des internats n’est pas spécifique à l’enseignement privé. Dans le passé, aussi bien dans le public que dans le privé, il y a eu des problèmes dans des internats. Cette vision manichéenne consistant à opposer public et privé est, en tant que telle, critiquable.

Mais les établissements privés catholiques, qui représentent environ un élève sur cinq en France, ne sont-ils pas moins bien contrôlés que les établissements publics ?

Je ne le pense pas. C’est globalement que, dans le passé, les internats n’étaient sans doute pas assez contrôlés. Mais vouloir jeter l’anathème uniquement sur le privé, en la matière, est une tromperie. En tout cas, il faut le dénoncer, car ce n’est rendre service à personne que de vouloir jeter ainsi globalement l’opprobre sur toute une partie de notre système éducatif, qui contribue à remplir une mission de service public, notamment lorsque lesdits établissements privés sont sous contrat.

Au moment du lancement de cette commission d’enquête, certains parlementaires avaient mis en garde contre une stigmatisation du privé. Cet écueil a-t-il été évité ?

Les parlementaires qui ont alerté avaient parfaitement raison. Personnellement, je reste très attentif aux agissements de la gauche radicale : il faudra regarder de manière très détaillée son rapport. Heureusement, il y a une arme en la matière.

Laquelle ?

Avant de publier un rapport, les membres de la commission devront se prononcer sur l’autorisation de le publier. Il arrive qu’une commission se prononce contre la publication d’un rapport lorsque celui-ci n’a pas respecté les critères d’objectivité indispensable à la crédibilité d’un rapport parlementaire. Mais je sais que, si cela devait arriver, Paul Vannier ne manquerait pas de crier au loup et à chercher à jouer au martyre car son objectif est éminemment politique : nuire coûte que coûte à l’enseignement privé qu’il exècre.

Certains analysent la pression de la gauche radicale sur ce sujet comme une volonté de pousser l’État à rompre les contrats d’association avec le privé pour récupérer des moyens budgétaires. Partagez-vous cette crainte ?

Oui, car cette crainte est réelle. Il faudra que nous rappelions que la loi Debré est une loi d’équilibre, et que chaque famille doit pouvoir choisir une école de qualité qui répond au besoin de ses enfants.

Que pensez-vous du débat prétendant qu’il y aurait deux ministères de l’Éducation parallèles en France : l’un dans le public confié à Élisabeth Borne et l’autre dans le privé avec Philippe Delorme, le secrétaire général de l’Enseignement catholique ?

C’est un faux débat. Philippe Delorme est à la tête d’un réseau d’établissements qui sont sous contrat avec l’État. D’ailleurs, d’aucuns font aujourd’hui le reproche inverse à ce dernier, en considérant que le réseau de l’enseignement catholique respecte trop strictement toutes les demandes formulées par les ministres de l’Éducation nationale, et que le caractère propre y serait de moins en moins affirmé. Franchement, c’est un mauvais procès qu’on lui fait en imaginant qu’il serait comme seul, à la tête d’une sorte de ministère... Car, dans les faits, le SGEC (Secrétariat général de l’enseignement catholique) est très respectueux de la contractualisation que lui impose l’État.

Concernant les violences scolaires, les rapporteurs ont déjà dénoncé une «défaillance globale» du contrôle de l’État. Selon vous, l’État doit-il être la seule veille pour détecter ce type de dérives ?

Là encore, la réponse est non. La vigilance doit être globale et elle concerne tous les acteurs du système. Par exemple, les internats sont souvent dans des lycées et, parfois, dans des collèges. Les collectivités territoriales sont alors au moins aussi concernées que l’État.

Au-delà des drames et des témoignages qui constituent les moteurs de ces réflexions parlementaires, comment peut-on empêcher leur instrumentalisation politique, voire idéologique ?

En faisant par exemple ce que je fais, c’est-à-dire en prenant la parole, en répondant aux questions des médias, et en dénonçant l’instrumentalisation que le groupe LFI fait au travers de cette commission d’enquête à l’Assemblée nationale.

Peut-on réellement craindre une relance de la guerre scolaire en France, entre enseignement public et enseignement privé ?

Oui, mais je reste persuadé qu’en la matière, il y aurait une gigantesque mobilisation en faveur de l’enseignement privé car, ce qui serait en jeu, ce serait une liberté fondamentale, et je suis très confiant : beaucoup de concitoyens mesureraient le danger et se mobiliseraient. Les conséquences seraient une potentielle remise en cause de la loi sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés (Debré, décembre 1959). Toutefois, cette bataille, la gauche radicale ne sera pas en mesure de la gagner. Heureusement pour notre pays !