Loi de Bioéthique : vers un moins disant éthique
Publié le 25/09/2019 dans les catégories Santé
Intervention de Patrick HETZEL député du Bas-Rhin (vidéo ci-dessous)
Discussion générale – LOI BIOETHIQUE
Mardi le 24 septembre 2019
Monsieur le Président, Mesdames les Ministres, mes chers collègues,
Nous voilà arrivés au débat public dans l’hémicycle au sujet de cette loi de bioéthique que nous propose le gouvernement.
Concernant la méthode, nous déplorons la manière dont le gouvernement procède au sujet de la filiation. Ainsi, c’est au début de la discussion en commission spéciale que nous avons appris que le gouvernement avait décidé de totalement réécrire la partie consacrée à la filiation. Nous pensons que c’est un détournement de l’esprit même de la procédure qui permet au gouvernement de réécrire une partie de son propre texte par amendement. En effet, ainsi nous avons été privés à la fois de l’étude d’impact liée à cette nouvelle écriture (alors qu’elle est normalement obligatoire pour les textes gouvernementaux) ainsi que du précieux avis du Conseil d’Etat sur ce point. Soyons clair : c’est du bricolage indigne pour un texte touchant aussi profondément à la conception multiséculaire du droit de la filiation qui pourtant posait très justement le principe « Mater semper certa est », (la mère est toujours certaine).
Toujours, en terme de méthode, il est bien curieux de voir apparaître la question de la PMA sans père dans un texte traitant de la bioéthique alors que le sujet relève d’un sujet de société et non pas de la bioéthique. Il eut été bien plus pertinent d’avoir deux textes. L’un traitant de la PMA sans père et l’autre de la bioéthique. C’est également un point de divergence.
Venons-en maintenant au fond. L’ensemble de ce texte pose de très importants problèmes. L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, érige la toute-puissance du désir d’enfants au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette extension est de nature à institutionnaliser par la loi « ex ante », l’absence de père. Alors certes, beaucoup d’enfants grandissent déjà en l’absence d’un père ou avec un père hélas défaillant mais ici, l’on franchirait un nouveau pas, celui de créer délibérément chez ces enfants le traumatisme lié à la suppression « a priori » de toute référence paternelle. Et un nouveau pas serait franchi en supprimant la référence à la mère qui accouche dans les actes d’état civil, revenant ainsi sur le fameux principe « Mater Semper Certa Est » déjà énoncé précédemment. Gommer ainsi toute référence biologique est jouer aux apprentis sorciers car c’est considérer que l’enfant est avant tout un objet de désir et il est chosifié. Clairement, le gouvernement cherche à franchir une ligne rouge.
De même, le critère médical d’infertilité, qui aujourd’hui conditionne l’accès à l’A.M.P. est supprimé. C’est une autre ligne rouge qui serait ainsi franchie.
Vient s’ajouter à cela, l’autorisation par la loi de l’autoconservation des ovocytes pour les femmes qui manifesteraient leur volonté d’y recourir en dehors de toute pathologie, ce qui peut interroger sur un risque possible de marchandisation. Là encore, il s’agit d’une ligne rouge.
Mais le projet de loi ne s’arrête pas là, puisque d’autres mesures concernent par exemple la recherche sur l’embryon ou encore le diagnostic prénatal. Ces mesures sont également gravement contraires au principe de dignité, fondateur de notre vie en société.
Concernant les aspects spécifiquement liées à la bioéthique, le gouvernement s’oriente vers un moins disant éthique. Cette nouvelle révision témoigne d’une volonté de transgresser les repères fixés par la convention internationale d’Oviedo.
En créant un régime de recherche sur les cellules-souches embryonnaires humaines distinct du régime de recherche sur l’embryon, l’article 14 du projet de loi ouvre la voie de l’industrialisation de l’humain. Les recherches seront évidemment facilitées puisque l’on passe d’un régime d’autorisation à un simple régime de déclaration.
Au cours des débats en commission concernant cet article 14, j’avais proposé un amendement qui prévoyait l’interdiction explicite de tous travaux de recherche sur l’utérus artificiel. D’ailleurs, l’un des rapporteurs, notre collègue Eliaou avait un amendement similaire. Hélas, ces amendements ont été rejetés. Cela est vraiment de nature à inquiéter.
La France a souvent été citée en exemple pour ses débats et ses lois successives en matière de bioéthique. N’oublions jamais que les principes qui furent fondateurs en France et en Europe, en matière de bioéthique, ce sont d’une part la protection de la vie, de l’humain et du plus faible et d’autre part, l’indisponibilité du corps humain et la non-marchandisation du corps humain.
Les amendements que nous avons défendus en commission et que nous défendrons à nouveau ici même, témoignent du fait, que nous souhaitions que ces gardes fous demeurent. Il faut être le plus explicite possible dans la loi afin de prévenir tout risque d’eugénisme, de trans-humanisme ou encore de marchandisation du corps humain.
Les débats en commission ont hélas montré que ces risques potentiels étaient réels en raison des ambiguïtés et des glissements du texte de loi vers un véritable moins disant éthique.
Nous ne voulons pas d’une France où la loi se contente de légaliser ce que la technique rendrait possible. Les lois de bioéthique doivent affirmer quelles sont les lignes rouges que nous ne voulons pas voir franchies au nom de nos grands principes. C’est dans cet état d’esprit que nous allons maintenant débattre et défendre nos amendements. Pour conclure, je tiens également à préciser que dans notre groupe parlementaire la parole est libre et bien entendu le vote également. D’aucuns devraient en prendre de la graine.