Mesurer précisément le phénomène de la fraude sociale

Publié le 20/12/2019 dans les catégories Economie Vie sociale

Patrick Hetzel a cosigné une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’ampleur, le coût et les causes de la fraude aux prestations sociales.

Avec 32% de la richesse nationale consacrée aux prestations sociales, la France est au-dessus de la moyenne européenne, à 27,5%. « La France est le pays champion d’Europe et probablement du monde dans les dépenses de protection sociale », déclare Jean-Marc Aubert, le directeur de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Avec 1 % de la population mondiale, la France dépense 15 % des dépenses sociales mondiales. Les pensions de retraite représentent 13,8 % de la richesse nationale, contre 8 % pour la moyenne des pays développés (OCDE). Les dépenses de santé représentent 12 % de notre richesse nationale, contre 9 % pour les autres pays développés. D’après le Premier ministre Edouard Philippe, « nous dépensons deux fois plus que nos voisins européens dans l’aide au logement ». Les résultats ne sont pas à la hauteur des dépenses. 18,2 % de nos jeunes ne sont ni en emploi ni en formation, ni à l’école. C’est environ le double des Pays-Bas, de la Suède, de l’Autriche, beaucoup plus que l’Allemagne (11,9 %) ou le Royaume-Uni (13,7 %).

Par ailleurs, en plaçant l’«amplification» de la lutte contre la fraude aux prestations sociales parmi les trois principales propositions sociales de son programme électoral, Emmanuel Macron voulait faire preuve de courage politique. Cependant, les seules fraudes qu’ils dénoncent sont celles des patrons qui ne paient pas leurs cotisations sociales, notamment à cause du travail au noir. « Les contrôles mis en œuvre apparaissent très insuffisants au regard des enjeux financiers et des risques de fraude », expliquait la Cour des comptes en septembre 2015 dans son rapport sur la Sécurité sociale. Dans les sondages, 87 % des Français pensent que la fraude est un facteur important du déficit des régimes sociaux. Partageant sans doute ce sentiment, en mai dernier, le Premier Ministre missionnait la Sénatrice Nathalie Goulet et la Députée Carole Grandjean afin de « procéder à une évaluation robuste et objective du coût de la fraude aux prestations sociales ».

Début septembre, leur pré-rapport relevait « des approximations » dans les statistiques publiques – en particulier ce chiffre de plus de trois millions de centenaires « réputés en vie » recensés par l’INSEE alors qu’il y en a en réalité 21 000 -. Les parlementaires s’étaient alors attirées les foudres des administrations de la Sécurité sociale, selon lesquelles la fraude détectée en 2018 s’élevait à 1,2 Milliards d’Euros. Bien loin des 14 à 15 Milliards d’Euros, souvent cités. Résultat : leur rapport définitif, rendu le 5 novembre, ne donne aucun chiffrage précis du montant de la fraude sociale. Les auteures du rapport ont finalement «estimé qu'il n'était pas matériellement possible de procéder à un chiffrage » de la fraude sociale et que cela «se double d'une inopportunité politique » (sic). « Nous n’avons pas eu les moyens techniques et humains pour engager une évaluation chiffrée » a regretté Carole Grandjean alors que Nathalie Goulet concluait : « nous avons manqué de soutien ». Certaines que « le phénomène reste largement sous-estimé », les deux parlementaires n’en réclamaient pas moins que soit mené « un audit indépendant ». Dans le droit fil de leur prise de position, il apparaît indispensable d’investiguer pour :

  • établir un chiffrage précis de la fraude aux prestations sociales afin de déterminer l’ampleur de la fraude sociale dans notre pays,
  • identifier les causes de toutes les fraudes recensées,
  • et, à la lumière des politiques conduites à l’étranger, proposer les outils à mettre en œuvre et les conditions de leur déploiement pour éradiquer la fraude aux prestations sociales.

Tels sont les trois axes d’investigation de la Commission d’enquête proposée.