Pour un Institut de recherche scientifique fondamentale et industrielle sur la transition écologique

Publié le 17/11/2023 dans les catégories Environnement Enseignement Sup & Recherche Vie sociale

Alors que les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes, il est indéniable que le réchauffement climatique est une menace existentielle, qui dégrade déjà nos conditions de vie sur Terre. Limiter ce réchauffement et nous y adapter est une impérieuse nécessité et un défi qu’il nous faut collectivement relever. L’objectif fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement global à un niveau « significativement inférieur à 2°C » d’ici la fin du siècle apparaît plus que jamais ambitieux et nécessite des actions rapides et fortes. Pour accélérer la lutte contre le changement climatique, la France et ses partenaires européens se sont donnés en 2020 l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, avec une baisse de 55 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. De toute évidence, la transition énergétique européenne devra s’accompagner d’une évolution profonde des comportements dans des pans entiers de la société. Elle devra également s’appuyer sur de nombreuses innovations technologiques et des investissements en R&D très importants afin de parvenir à décarboner des applications et des secteurs pour lesquels il n’existe à ce jour pas encore de solutions satisfaisantes.

L'engagement de la France et de l'Europe sur cet objectif a permis que des objectifs similaires soient fixés par les autres grandes nations industrialisées, à savoir un objectif de neutralité carbone en 2050 pour les Etats-Unis et en 2060 pour la Chine. Au-delà de cet affichage, la France connaît un grave retard dans sa trajectoire de réduction d’émissions. Afin de respecter nos engagements internationaux sur le climat, le rythme annuel de réduction doit encore doubler pour atteindre - 4,7 % par an en moyenne entre 2022 et 2030. Après avoir fait de l'urgence climatique une « priorité » de son second mandat, Emmanuel Macron vient ainsi de présenter les différentes mesures de la « planification écologique » du gouvernement. Or, au lieu d’une stratégie d’ensemble, les mesures annoncées s’apparentent à un inventaire à la Prévert de dispositions qui s’empilent, sans financement et sans qu’aucun véhicule global législatif ne soit annoncé. Cette intervention est loin d’être à la hauteur des enjeux écologiques.

C’est dans ce contexte qu’un collectif, dont le Prix Nobel de physique Alain Aspect et les médailles d’or du CNRS Éric Karsenti et Jean-Marie Tarascon, plaide, dans une tribune publiée en septembre dans la presse nationale, pour la création d’un centre de recherche en lien avec l’industrie. A l’image de l’investissement américain pour mettre au point la première bombe atomique, ce collectif appelle de ses vœux une mobilisation humaine et financière d’ampleur pour coupler avancées scientifiques rapides et transformations industrielles massives. L’exemple du projet Manhattan, aussi funeste que soit son objet, rappelle combien l’homme est capable d’une action collective rapide et efficace quand l’intérêt général l’exige. Cinq ans après son déclenchement, le projet Manhattan a été une réussite technique sans précédent et constitue un modèle exemplaire qui doit être reproduit en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans l’agriculture, l’industrie, le transport, les énergies fossiles constituent la base même de la société moderne et industrielle. S’en passer implique une nouvelle organisation collective, et en particulier une transformation profonde de nos outils techniques, industriels et de production. Pourtant, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) nous alerte : 40 % des technologies nécessaires à la transition environnementale ne sont pas à un niveau de maturité suffisant. L’agence donne l’exemple de l’électrolyse de l’eau de mer pour la production d’hydrogène, des batteries au sodium, de la captation ou conversion du CO2 ou encore du stockage de la chaleur. Malheureusement, bien loin de contribuer à la transition, nombre de ces « technologies stratégiques » sont encore au stade d’expériences de laboratoire menées par quelques scientifiques aux moyens modestes. Nous sommes en train d’échouer et de condamner nos enfants. Pour relever ce défi, Patrick Hetzel a décidé de signer une proposition de résolution initiée par son collègue Philippe Juvin qui invite le Gouvernement à bâtir un Institut de recherche scientifique fondamentale et industrielle sur la transition écologique. Cet Institut sera chargé de trouver les solutions scientifiques de rupture, originales et à fort impact, manquantes à la transition écologique, jusqu’à leur industrialisation. Sous une direction unique, l’Institut rassemblera les chercheurs, ingénieurs et scientifiques d’excellence de toutes disciplines pour concourir collectivement à cet objectif, dans le cadre d’une collaboration avec l’ensemble du tissu académique et industriel européen engagé pour la recherche de solutions de réduction des émissions de gaz-à-effet-de-serre.