Pour un audit financier indépendant des comptes publics des retraites obligatoires

Publié le 19/04/2024 dans les catégories Economie Vie sociale

En décalant à 64 ans l’âge de départ à la retraite, la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est censée pérenniser le financement des retraites et ce, d’autant plus facilement, que le Conseil d’orientation des retraites (COR) faisait alors passer le message de l’équilibre financier actuel du système de retraites. Le caractère trompeur de ce message de l’équilibre financier fut pourtant dénoncé en 2022 par certains articles et le Haut-Commissaire au Plan devait souligner, à plusieurs reprises, que l’opinion publique n’avait pas été correctement informée sur les déséquilibres de la branche vieillesse. En effet, dire que l’on ne réforme pas le système de retraites pour des raisons financières est une contre-vérité absolue. C’est bien un problème d’équilibre financier qui a motivé la réforme de 2023, comme il en sera de même pour la prochaine réforme que nous savons, d’ores et déjà, inéluctable.

C’est désormais au tour du Professeur Rémi PELLET, spécialiste renommé des finances sociales et membre du Conseil des prélèvements obligatoires, de préciser que la dette sociale portée par la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale) est sous-estimée d’un flux annuel de 60 milliards d’euros largement constitués des déficits des régimes de retraite. Dans un article intitulé « Retraites obligatoires et déficits publics. Pour la clarté », Jean-Pascal BEAUFRET, ancien inspecteur des finances et ancien directeur général des impôts, donne le détail de cette réalité bien gardée. Aux subventions s’ajoutent les « contributions d’équilibre ». Ainsi apprend-on que « les retraites obligatoires sont financées par des cotisations pour 66 % seulement et par des impôts transférés aux caisses de retraite à hauteur de 13 %. Le solde, soit 21 %, est couvert par des subventions allouées au système de retraites, qui font partie du déficit public, pour en garantir le financement global. Dès lors, les retraites sont financées à 21 % par la dette publique, soit 71 Milliards d’Euros en 2021 ». « En se protégeant derrière une organisation juridique et comptable des retraites des fonctionnaires de l’Etat qui en masque la réalité financière, en concentrant le débat sur un futur hypothétique pour éviter de parler de la situation présente et réelle, Parlement, gouvernement et Cour des comptes ont renoncé à attirer l’attention de l’opinion publique sur les 50 Milliards d’Euros actuels de déficit annuel inclus dans celui de l’Etat pour financer les retraites, ou sur les 21 Milliards d’Euros annuels supportés dans les comptes des autres administrations sociales ou locales pour financer directement et indirectement les caisses de retraite.… » . Il conclut : « La raison en est certainement qu’il faudrait alors annoncer qu’un report de l’âge de la retraite à 64 ans avec quarante-trois années de cotisations serait loin d’être suffisant et qu’une désindexation graduelle des retraites, avec des effets sur le pouvoir d’achat, sera également nécessaire. À défaut, des augmentations importantes de cotisations et d’impôts, réductrices du potentiel économique, devront intervenir ».

Dans son rapport annuel de juin 2023, intitulé « Evolutions et perspectives des retraites en France », le COR met en évidence la baisse du rapport démographique des 20-59 ans sur les 60 ans et plus – qui atteint 1,79 en 2023 – et devrait se poursuivre jusque vers le début des années 2030 en raison de l’arrivée à l’âge de 60 ans des générations du baby-boom. L’impact démographique est incontournable : le nombre de retraités va passer de 17 millions en 2021 à 24,5 millions attendus en 2070 (avec une forte progression jusqu’en 2035), la durée de vie s’allonge et le rapport cotisant par retraité de droit direct passerait de 1,7 en 2021 à environ 1,3 en 2070. Qui va assurer les pensions de retraite de demain ?

Alors que les services de Bercy envisagent un dérapage du déficit public à 5,6% du PIB en 2023, 5,7% en 2024 et 5,9% en 2025, et que le Président de la République est contraint de convoquer des réunions de crise nocturnes sur les comptes publics, tant l’explosion de la dette menace, il est essentiel de faire toute la lumière sur la situation financière des régimes de retraite en apportant des réponses aux questions suivantes :

- Quelle est la situation financière réelle des comptes publics des retraites obligatoires ?
- Quels sont les régimes les plus déficitaires ?
- Quel est l’impact réel des déficits retraite sur le déficit et la dette publics ?

Ces questions essentielles doivent être posées dès maintenant tant la pérennité du système et le redressement des finances publiques exigent la transparence sur la situation réelle. C’est pourquoi Patrick Hetzel a pris l’initiative de déposer une proposition de résolution qui pose toutes ces questions.