Responsabiliser les parents des enfants délinquants et absentéistes

Publié le 07/07/2023 dans les catégories Justice Vie sociale

Avec ses collègues du groupe Les Républicains, Patrick Hetzel cosigne une proposition de loi afin de responsabiliser davantage les parents par rapport aux comportements de leurs enfants. En effet, les émeutes que notre pays a connues en cette fin du mois de juin 2023 ont pour différence par rapport à celles de 2005 qu’elles ont été le fait en grande partie de jeunes adolescents autour de 14 ou 16 ans, parfois seulement âgés d’une douzaine d’années. Ces attaques insupportables sont bien évidemment en premier lieu de la responsabilité de leurs auteurs directs. Toutefois, compte tenu du très jeune âge de ces émeutiers, il convient également d’interroger la part de responsabilité de leurs parents. Si certains parents ont été admirables de courage et de civisme, allant chercher leurs enfants sur les lieux des émeutes pour les ramener chez eux et les empêcher de commettre des dégradations ou des agressions, force est de constater qu’une autre partie d’entre eux a totalement démissionné de son rôle nécessaire d’autorité et d’éducation. Nous devons le dire avec force : il n’est pas admissible que des mineurs, placés normalement sous l’autorité et la responsabilité de leurs parents, puissent aller et venir librement, de nuit, en se livrant à toutes sortes de pillages comme cela a été le cas ces derniers jours.

La question n’est naturellement pas de rendre coupable les parents des actes délictueux ou criminels commis par leurs enfants. Il s’agit en revanche de rappeler ce principe essentiel : les parents sont responsables de leur bonne éducation, comme le dispose d’ailleurs la loi de la République. Ainsi, l’article 371-1 du code civil précise bien la substance de l’autorité parentale avec ce qu’elle implique pour les parents : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne (…) » Corrélativement, l’article L.227-17 du code pénal rend passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende : « Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur.

Ce dispositif n’est, dans l’état actuel, manifestement pas suffisamment dissuasif et n’incite pas les parents de mineurs délinquants à prendre à nouveaux leurs responsabilités. L’objet de la présente proposition de loi est donc de le renforcer. Pour cela, l’article premier rappelle que l’ensemble des décisions de justice imposant des obligations ou des interdictions à un enfant mineur délinquant doivent être signifiées aux titulaires de l’autorité parentale de l’enfant concerné. Parallèlement, un contrat comprenant l’ensemble des mesures de contraintes et de suivi sera établi entre la justice et les parents. En vertu de ce contrat, les parents seront dans l’obligation de s’assurer que l’enfant mineur respectera l’ensemble des obligations et interdiction auxquelles il est astreint. Si, dans un second temps, les mesures prévues par le contrat ne sont pas respectées, les parents, architectes de l’éducation de leurs enfants, pourront faire l’objet de poursuites pénales (30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement). Cela pourrait également entraîner la suspension des prestations familiales. L’article deux prévoit quant à lui une rédaction de coordination de l’article 227-17 du code pénal, et prévoit également que le juge doit demander la suspension du versement des allocations familiales pour les parents ne respectant pas leurs obligations.

De plus, la proposition de loi tend à responsabiliser les parents face aux comportements irrespectueux des valeurs fondamentales de la République de leurs enfants à l’école. Aussi, l’article trois instaure un contrat de responsabilité parentale, fondé notamment sur le respect des valeurs de la République, qui aura pour objectif de rappeler aux parents qu’il est de leur devoir d’exercer effectivement l’autorité parentale. Il s’agit d’un dispositif contractuel équilibré et gradué d’accompagnement des parents d’enfants dont le comportement perturbateur aura été signalé par l’Éducation nationale au président du conseil départemental, qui est en charge de la protection de l’enfance. Cette démission de l’autorité parentale se retrouve dans un autre sujet connexe qui est également lourd de conséquence pour la jeunesse de notre pays : l’absentéisme scolaire. Celui-ci constitue en effet un fléau aux causes et aux conséquences multiples qui a progressé ces dernières années, en particulier au collège. En effet les élèves absentéistes, que l’on définit comme les élèves ayant été absents de façon non-justifiée au moins quatre demi-journées sur un mois, sont plus nombreux depuis une dizaine d’années. Ainsi en comparant mois par mois l’absentéisme sur l’année scolaire 2011-2012 et sur l’année scolaire 2018-2019, dernière année non affectée par la mise en place de protocoles sanitaires anti-Covid dont nous disposons des données, on constate qu’il y a systématiquement une progression de la proportion d’élèves absents dans le second degré (collèges, lycées d’enseignement général et technologique et lycées d’enseignement professionnel). Pour le mois d’octobre 2011, il y avait 2,8% d’élèves absentéistes, contre 5% pour le mois d’octobre 2018. S’agissant du mois de janvier, ils étaient 4,8% d’absentéistes en 2012, contre 7,4% en 2019. Enfin pour le mois d’avril, on comptait 4,9% d’élèves absentéistes en 2012, contre 8% en 2019. Bien que ce soit dans de bien moindres proportions, l’absentéisme lourd, qui est caractérisé par un seuil de dix demi-journées par mois d’absences non justifiées, a lui aussi progressé dans l’intervalle. S’il était en effet inférieur à 1% des élèves dans l’enseignement secondaire en 2011-2012, il a franchi depuis ce seuil symbolique pour s’établir à 1,3% en 2018-2019.

L’obligation scolaire a été instituée pour assurer l’égalité des chances. On ne peut dès lors se résoudre, devant le constat de l’absentéisme scolaire, ni à l’angélisme compassionnel, ni au fatalisme paresseux. Cette progression de l’absentéisme est inquiétante car elle constitue le terreau du décrochage scolaire et, par extension, de l’échec de l’insertion dans la vie active. D’après un rapport de l’Observatoire européen de la violence scolaire, celui-ci a une incidence certaine sur les résultats obtenus aux examens. De plus, une étude sur l’insertion professionnelle des jeunes absentéistes souligne que les conséquences ne s’arrêtent pas à une sortie du système éducatif sans diplôme. Lorsqu’on a été absentéiste, on a deux fois plus de risques d’occuper un emploi précaire et de ne pas progresser dans sa carrière que les élèves ayant échoué à leurs examens sans avoir développé de comportement absentéiste. La loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire dite « loi Ciotti » avait établi un dispositif visant à lutter contre celui-ci. En cas d’absentéisme scolaire injustifié, une procédure d’alerte avait été mise en place privilégiant le dialogue et la responsabilisation des titulaires de l’autorité parentale. La signature d’un contrat de responsabilité parentale était prévue. Une enquête a été faite sur les mesures d’application de ce dispositif en 2011. Sur les 36 243 premiers signalements adressés par les établissements aux inspecteurs d’académie, 27 917 premiers avertissements ont été adressés aux familles des enfants absentéistes. 7 426 saisines des présidents de conseil départemental sont intervenues et 8 076 informations aux maires. Sur les 6 280 seconds signalements adressés par les établissements aux inspecteurs d’académie, 147 demandes de suspensions ont été adressées aux caisses d’allocations familiales et 51 suspensions effectives ont eu lieu. Preuve du caractère proportionné et gradué des mesures de suspension, les mesures éducatives et de dialogue avec les parents ont été privilégiées. La loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 a supprimé les acquis de ce dispositif. Dans le contexte actuel, il apparaît nécessaire de le rétablir et de fixer la perspective de sanctions effectives en cas de manquements persistants. Tel est l’objectif des articles quatre, cinq et six de la présente proposition de loi. Il est prévu que la suppression des allocations familiales interviendra après que les familles aient pu, à chaque stade de la procédure, s’expliquer et fournir des excuses valables de cet absentéisme. Elle sera graduée, c’est pourquoi après une première phase d’avertissement interviendra une suspension du versement des allocations familiales, puis une suppression si l’absentéisme persiste.