Rétablir une politique familiale ambitieuse

Publié le 29/09/2023 dans les catégories Vie sociale

Dans un entretien télévisé en date du 15 mai 2023, le président de la République avait assuré vouloir « [aider] les Françaises et les Français qui travaillent dur [et] qui veulent bien élever leurs enfants ». Plus de quatre mois après cette annonce, force est de constater qu’aucune mesure concrète n’a été prise en ce sens. Il y a pourtant urgence. En effet, les coûts auxquels sont confrontées les familles flambent sans que leurs revenus n’augmentent de manière proportionnelle. Ainsi, d’après les données de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), en août 2022, il fallait à un couple et deux enfants 191 € de plus qu’en août 2021 pour vivre décemment pendant un mois. Pour un couple avec 2 enfants et 2 adolescents, cette somme était de 284 €. Or, avec un niveau d’inflation s’étant maintenu à près de 6% entre août 2022 et août 2023, cette tendance s’est encore aggravée.

Un risque de forte paupérisation menace aujourd’hui les familles françaises.

Si la conjoncture économique actuelle participe évidemment à la dégradation de la situation des familles de notre pays, elle ne peut servir de bouc émissaire à l’inaction des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. En effet, loin de revenir sur les mesures néfastes adoptées sous François Hollande, l’actuel président les a confirmées en actant :

- La remise en cause de l’universalité de la politique familiale en mettant sous conditions de ressources les allocations familiales ;

- La diminution du quotient familial de 834 euros.

Ces deux seules mesures ont, d’après la Cour des comptes, fait peser « un effort total proche de 3,3 Md€, soit en perte ou en réduction de prestations (1,55 Md€), soit en augmentations d’impôt sur le revenu (1,7 Md€) » sur les familles considérées comme aisées. Or, l’expérience montre que ce sont les familles de classe moyenne qui ont été le plus concrètement touchées. Plus encore, depuis 2017, Emmanuel Macron a conduit une politique de pénalisation systématique des familles. Ainsi :

- En 2018, il a raboté la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour un montant allant jusqu’à près de 546 euros pour un couple dont chaque parent travaille pour un revenu équivalent au SMIC ;

- En 2020, il a supprimé la majoration de l’indemnité journalière en cas de maladie pour les parents de trois enfants et plus, ce qui représente une perte de 33 % ;

- Depuis 2018, il a divisé par deux sur 95 % de notre territoire la quotité finançable du prêt à taux zéro (20% au lieu de 40%) – PTZ – pour toutes les familles de classe moyenne qui aspirent à devenir propriétaires et à offrir un foyer adapté à leurs enfants.

Ces facteurs matériels jouent pourtant un rôle essentiel dans la réalisation du désir d'enfant des familles.

Il est important de noter qu’une telle absence de politique familiale produit déjà des effets négatifs. En 2022, seulement 723 000 enfants sont nés en France, soit le plus faible nombre de naissances depuis l’après-guerre.

Or, ce résultat alarmant pourrait bien constituer les prémices d’une dynamique plus profonde de décroissance démographique. D’après l’Insee, le taux de natalité a ainsi continué de baisser au premier semestre de 2023, à hauteur de 7%, portant notre solde naturel à son niveau le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, la dernière étude de l’institut KANTAR relative au désir d’enfant (2020) a démontré une grande stabilité, sur les dix dernières années, dudit désir qui s’établit à 2,39 enfants au moment où le taux de fécondité par femme est tombé à 1,76 enfant en 2022. Cependant, ce constat n’est en rien une fatalité. Comme l’a écrit Gérard-François Dumont, démographe, professeur à l’université Paris IV :« pour relancer la natalité, il suffit de revenir à ce qui a fait le succès de notre politique familiale pendant des décennies : son universalité. Il faut cesser de faire des entorses à ce principe et confondre la politique familiale avec une politique sociale redistributive ». C’est pourquoi Patrick Hetzel cosigne une proposition de loi qui prévoit les dispositions qui suivent.

L’article 1 rétablit l’universalité des allocations familiales, dans un format similaire à celui qui existait avant la réforme de 2013. Il est à noter que les excédents annuels de la branche famille de la sécurité sociale suffiraient à financer une telle mesure. En effet, ce rétablissement devrait coûter environ 760 millions d’euros (montant annuel des économies réalisées grâce à la modulation des allocations familiales) [1]. Or, d’après les prévisions de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, à long-terme (2026), les excédents de la branche famille seront de 0,7 milliard d’euros ce qui permettrait donc de financer cette mesure.

L’article 2 vise à étendre le principe d’universalité en débloquant le versement des allocations familiales dès le premier enfant.

L’article 3 revient lui sur la décision prise en 2013 par François Hollande et confirmée par la suite par Emmanuel Macron, de baisser le quotient familial. Cet article le rétablit donc à hauteur de son montant pré-réforme (soit 2 336 euros) tout en l’actualisant de l’inflation cumulée depuis cette date (17,7%). Concrètement, la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial serait ainsi portée à 2750 euros par demi-part.

L’article 4 souhaite rendre la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) plus accessible en supprimant la condition de ressources conditionnant actuellement le versement de la prime à la naissance ou à l'adoption.

L’article 5 crée une « prime voiture » pour les familles nombreuses, en l’espèce ayant plus de trois enfants, afin de leur permettre d’acquérir un véhicule de 6 à 9 places. Sur le modèle du « bonus écologique », cette prime couvrirait 33% du coût d’acquisition du véhicule (sous réserve que son prix soit inférieur ou égal à 47 000 euros toutes taxes comprises). Une personne physique ne pourrait en bénéficier qu'une fois tous les trois ans.

L’article 6 reprend le dispositif proposé par la députée Isabelle VALENTIN dans sa PPL n°4067 (XVème législature) visant à porter l’indemnité de congé parental à hauteur de 80 % du salaire net, à donner aux parents la possibilité de répartir trois années de congé parental entre eux comme ils le souhaitent ainsi qu’à interdire le changement de poste d’un salarié durant son congé parental, mais aussi pendant une période de six mois à compter de son retour, sauf accord écrit de sa part.

L’article 7 demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de fusionner l’ensemble des prestations familiales en une prestation unique afin de limiter les démarches administratives, coûteuses en temps et en énergie, que doivent effectuer les familles. Il s’agirait également d’un moyen pour lutter contre le non-recours aux droits.

L’article 8 propose une expérimentation visant à verser l’allocation de rentrée scolaire sous la forme de bons d'achat afin de lutter contre le dévoiement de cette aide. Il s’agit d’une question de justice et d’efficacité.

L’article 9 vise à étendre le crédit d’impôt pour la garde d’enfants hors domicile. En effet, ce crédit d’impôt n’est actuellement ouvert que pour les dépenses effectivement supportées pour la garde des enfants âgés de moins de six ans. Or, de nombreux parents continuent d'avoir besoin d'une solution de garde en dehors des heures d'école après que leurs enfants aient passé l'âge de 6 ans. C'est par exemple le cas de certains postes qui nécessitent une garde avant l’école, bien souvent durant la pause méridienne, après l’école, le mercredi ou pendant les vacances scolaires...  En conséquence, cet article 9 entend étendre le champ du crédit d’impôt aux dépenses effectivement supportées pour la garde des enfants âgés de moins de dix ans.

 

[1]  Sénat, 26 janvier 2022, Proposition de loi « Universalité des allocations familiales »