Documents d'identité et données biométriques individuelles
Publié le 26/01/2018 dans les catégories Vie sociale
Dans le cadre du projet de loi de confiance entre l'Etat et les concitoyens, Patrick Hetzel a défendu un amendement pour permettre d'une part à l'Etat de développer des documents d'identité comportant des éléments biométriques et d'autre part pour mieux encadrer les données biométriques individuelles en cas d'utilisation par des entreprises commerciales.
Il est devenu indispensable de pouvoir attester de l'authenticité de son identité dans le cadre des technologies existantes. À cette fin, le recours à la biométrie fait l'objet d'un encadrement strict. Cette nécessité est conjointe aux pouvoirs publics et aux entreprises privées. Pour autant, cet encadrement est plus exigeant pour l'État qu'il ne l'est pour une société commerciale. Cette situation est préjudiciable à l'État qui ne peut pleinement assumer ses obligations d'ordre public. Elle est également préjudiciable aux individus dont les données biométriques sont désormais à la libre disposition d'entreprises privées.
Ce déséquilibre de fait résulte de la décision n° 2012‑652 DC du Conseil constitutionnel du 22 mars 2012 qui, tout en reconnaissant la possibilité pour l'État d'instaurer une carte d'identité et un passeport électroniques, a limité pour celui-ci la collecte d'informations biométriques aux seules fins d'authentification de l'état civil et lui a interdit de permettre leur utilisation à d'autres fins, telles que la création d'un fichier à des fins judiciaires ou la sécurisation des transactions commerciales.
Il s'agissait pour le Conseil constitutionnel de garantir les libertés fondamentales de nos concitoyens qui auraient pu être menacées par la création de tels dispositifs s'imposant à eux.
Paradoxalement, si nos concitoyens sont protégés par le juge constitutionnel des dérives potentielles de l'État, ils ne le sont pas des mêmes risques lorsqu'il s'agit d'une entreprise commerciale. En effet, ces sociétés commerciales sont en mesure de collecter des informations biométriques dont l'utilisation n'est en réalité soumise qu'au contrat liant ces sociétés à leurs clients. Ces sociétés et leurs contrats échappent d'ailleurs le plus souvent aux prescriptions constitutionnelles ou réglementaires françaises, pour motif d'extraterritorialité.
Ce déséquilibre n'a pas lieu d'être.
D'une part, l'État n'a pas à se priver des instruments d'authentification de l'identité disponibles pour les entreprises commerciales, sauf à le rendre dépendant à terme de ces dernières pour accomplir ses missions régaliennes. D'autre part, les individus doivent être mis en mesure de consentir, en dehors des motifs d'ordre public, que leurs données biométriques soient traitées par l'État ou par des entreprises commerciales. C'est pourquoi le présent amendement rétablit la création d'une carte nationale d'identité électronique et d'un passeport électronique utilisant des procédés d'identification biométriques. Le dispositif tient compte pour cela des prescriptions du Conseil constitutionnel énoncées lors de l'adoption de la loi n° 2012‑410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.
Pour protéger les citoyens de l'utilisation abusive des données biométriques, il est ainsi proposé de subordonner à l'accord explicite, libre, informé et spécifique de son titulaire, l'emploi, à des fins autres que la lecture d'identité, des données contenues dans le titre électronique (article 1er, alinéa 2). Il offre par ailleurs des garanties en termes de libertés fondamentales et d'application territoriale de la loi en soumettant les entreprises commerciales recourant à la biométrie au consentement explicite, libre, informé et spécifique de la personne et à la soumission d'une autorisation préalable de la CNIL dans des conditions conformes aux dispositions actuelles de la loi n° 78‑17 « Informatiques & Libertés » (article 1er, alinéa 3). Il établit enfin le caractère d'ordre public international de ces dispositions afin d'offrir aux citoyens français la protection de leurs données biométriques dans le cadre des conditions contractuelles soumises à une loi étrangère ou dans le cadre de la justice internationale (article 1er, alinéa 4).