Budget de la mission justice pour 2022

Publié le 22/10/2021 dans les catégories Justice

Patrick Hetzel a présenté son rapport budgétaire au sujet de la mission Justice en commission des finances de l’Assemblée nationale, mardi le 19 octobre 2021 :

« Madame la Présidente, Monsieur le rapporteur général, Mes chers collègues,

En 2022, la mission Justice bénéficiera de 12,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 10,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Le projet de loi de finances respecte la trajectoire budgétaire prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice. Hors contribution au compte d’affectation spéciale Pensions, les CP s’élèveront à 8,86 milliards d’euros en CP.

S’agissant des effectifs du ministère de la justice, le projet de budget prévoit la création de 1 220 emplois supplémentaires, dont 720 en 2022, et 500 recrutements par anticipation fin 2021.

Ce projet de budget est positif. On ne peut que s’en féliciter. La communication du Gouvernement est bien rodée : la trajectoire est respectée, elle est même plus que respectée, nous dit-on ! Tous les signaux sont au vert, il ne resterait qu’à applaudir et à répéter que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La réalité est un peu plus contrastée. Vous le savez, mes chers collègues, les crédits budgétaires ne font pas tout. Oui, c’est vrai, le plein de carburant a été fait, et le réservoir de l’avion se remplit. Néanmoins, l’avion ne pourra pas voler sans pilote !

Dans les faits, beaucoup de choses restent encore largement perfectibles !

Concernant la justice judiciaire :

Prenons un exemple concret : les frais de justice. En 2022, ils s’élèveront à 648 millions d’euros… soit 150 millions d’euros de plus qu’en 2017 ! Et avec une exécution systématiquement supérieure à la prévision ! Où est le pilote, mes chers collègues ?

Concernant les délais de jugement, le « bleu budgétaire » laisse entrevoir – une fois n’est pas coutume – une amélioration des délais de jugement… mais pour les procédures pénales uniquement. De nombreux efforts restent à faire pour les procédures civiles. Le nombre de dossiers en instance devant les juridictions dépasse encore les 1,1 million ; je parle bien d’1 million d’affaires ! Et de nombreux indicateurs demeurent supérieurs à leur niveau de 2019.

Il est vrai que les recrutements effectués dans le cadre du renforcement de la justice de proximité, avec des délégués du procureur et des juristes-assistants, sont une aide pour les juridictions. Néanmoins, il s’agit d’emplois précaires ; peut-on traiter un problème structurel avec des moyens temporaires ?

Quant aux greffes, le taux de vacance reste de 6 % toutes catégories confondues, soit 1 335 postes vacants, dont 661 greffiers. Contrairement à ce qu’on essaye de nous faire croire, la situation demeure donc tendue !

S’agissant de l’administration pénitentiaire :

L’augmentation de la population carcérale depuis un an est préoccupante : entre 200 et 300 détenus supplémentaires chaque mois ; nous allons bientôt retrouver le niveau record que nous connaissions en 2019. Or, rien n’est prêt pour réduire la surpopulation carcérale. J’alerte sur les retards du plan « prisons » depuis plusieurs années. Désormais, nous y sommes : le Gouvernement a officialisé le décalage des livraisons. Les 7 000 premières places annoncées pour 2022 ne seront pas prêtes avant 2023 ou 2024. Quant aux 8 000 autres places, prévues pour 2027, on parle désormais de 2029.

Oui, les crédits augmentent. Mais encore faut-il piloter les investissements. Dans ces conditions, comment espérer une amélioration des conditions de détention ?

Quant aux effectifs de l’administration pénitentiaire, ils progressent, certes, mais il y a encore 1300 postes vacants. Les choses peuvent encore être améliorées !

Concernant la transformation numérique du ministère de la justice :

Les crédits sont là. Mais les retards s’accumulent. C’est toujours le même problème : y a-t-il un pilote dans l’avion ? Les outils de suivi et de pilotage sont bien trop faibles. La Chancellerie n’a toujours pas de schéma directeur permettant d’indiquer l’état de l’exécution des crédits et l’avancement réel des projets ! Sans cela, l’accélération annoncée ne pourra avoir lieu !

Enfin, concernant l’aide juridictionnelle :

L’article 44 du projet de loi de finances propose une nouvelle augmentation de la rétribution des avocats. C’est tout simplement l’augmentation que le Garde des sceaux nous a refusée l’année dernière ! Nous avions, avec plusieurs d’entre vous, présenté des amendements allant dans le sens des préconisations de la mission Perben. Nous avons eu raison un an trop tôt. Espérons que cela éclaire les débats que nous aurons en séance…

Vous l’aurez compris, mes chers collèges : il y a, d’un côté, de grandes annonces médiatiques et, de l’autre, un quotidien des justiciables et des personnels de justice qui peine à s’améliorer. Désormais, il nous faut des évolutions concrètes !

Vous l’aurez compris, tout ceci reste très perfectible, c’est pourquoi je propose de voter contre ce budget.

Je vous remercie. »