Le colloque annulé au Collège de France était un procès politique à l’encontre d’Israël et de l’Europe

Publié le 27/11/2025 dans les catégories Médias

Figaro Vox - TRIBUNE COLLECTIVE - L’annulation du colloque « Palestine et Europe », initialement prévu mi-novembre au Collège de France, n’était pas un acte de censure, mais un acte de responsabilité, pointent des députés et des sénateurs.

L’annulation du colloque « Palestine et Europe », prévu les 13 et 14 novembre derniers au Collège de France, a déclenché l’indignation prévisible de ses organisateurs. Ceux-ci dénoncent une « attaque contre la liberté académique » et un « recul du pluralisme scientifique ». Mais quiconque a pris la peine de lire le programme sait qu’il ne s’agissait ni d’un colloque scientifique, ni d’un lieu de débat ouvert : c’était la mise en scène d’un procès politique à l’encontre d’Israël et de l’Europe, sous couvert de terminologie universitaire.

Le simple intitulé du premier panel, « Le sionisme comme projet européen d’expansion coloniale », donnait le ton. Le sionisme y était présenté non comme un mouvement d’autodétermination né au cœur des persécutions, des pogroms et de la Shoah, mais comme un avatar du colonialisme européen. Cette lecture idéologique n’était pas discutée : elle constituait la prémisse du colloque tout entier.

D’autres panels déclinaient cette même matrice accusatoire : instrumentalisation de la Shoah, réseaux d’influence pro-israéliens, complicité européenne dans un prétendu « génocide » à Gaza. Et comble de l’ironie, un panel intitulé « Silencier les voix palestiniennes » dans un événement où seule la perspective palestinienne, précisément la plus militante, était représentée. Aucun contrepoint, aucune voix dissidente, aucune mise en perspective historique ou juridique qui aurait rappelé, par exemple, le rejet arabe du plan de partage de 1947, la responsabilité du Hamas ou la dimension sécuritaire des politiques publiques des gouvernements israéliens. L’idée même d’un débat contradictoire n’avait pas été envisagée.

Soft power du Qatar

Le caractère militant du colloque tenait aussi à la sélection des invités. L’ouverture devait être assurée par Azmi Bishara, ancien député israélien devenu intellectuel influent du Qatar après avoir dû fuir Israël en raison de très fortes accusations d’espionnage en faveur du Hezbollah. D’autres intervenants, comme Thomas Vescovi ou Alain Gresh, se sont illustrés par des positions publiques remettant en cause la qualification terroriste du Hamas ou justifiant la « résistance armée » palestinienne.

Certaines figures posaient même des problèmes plus graves : Muzna Shihabi, modératrice d’un panel, avait publiquement d’une part raillé les civils qui ont fui suite au massacre du 7 Octobre et d’autre part salué la mémoire d’Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas. Véronique Bontemps, également modératrice, fait l’objet d’une procédure pour apologie du terrorisme. Quant à Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU, elle a été sanctionnée par les États-Unis pour positions antisémites. S’est-on un instant demandé ce que signifiait l’accueil de telles personnalités au sein du Collège de France ?

Au cœur de cette affaire, il y a surtout le Carep Paris, coorganisateur du colloque. Présenté comme un centre de recherche indépendant, le Carep est en réalité la branche française du réseau ACRPS, pilier du soft power intellectuel du Qatar. Depuis vingt ans, Doha déploie une stratégie sophistiquée : financer mosquées, centres culturels, instituts universitaires, médias et soutenir des organisations proches des Frères musulmans. Offrir au Carep la caution du Collège de France, c’était offrir à une puissance étrangère, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit du principal soutien du Hamas, un outil de légitimité considérable pour diffuser sa vision du conflit israélo-palestinien. Les publications du Carep ne laissent d’ailleurs aucun doute : Israël y est constamment décrit comme une « entité coloniale » et le Hamas comme un « mouvement de résistance ». Rien qui ressemble à un centre de recherche pluraliste, sérieux et crédible.

Confronter des perspectives

Les organisateurs affirment que la recherche n’a pas vocation à être « équilibrée politiquement ». Certes. Mais elle ne peut se réduire à l’uniformité idéologique, encore moins lorsqu’elle s’attaque à un sujet aussi inflammable que le conflit israélo-palestinien. Ce qui était attendu n’était pas un équilibre comptable des opinions : simplement la présence de plusieurs écoles de pensée. Le pluralisme scientifique, ce n’est pas juxtaposer des disciplines, mais confronter des perspectives. Ici, aucune confrontation : un seul récit, répété en boucle. Les organisateurs tentent encore d’ériger en preuve de diversité la participation de deux personnes hébraïsantes. Argument fallacieux : la maîtrise d’une langue ne présume ni de la neutralité, ni de l’équilibre d’un programme.

Le Collège de France est l’une des institutions les plus prestigieuses du monde académique français. Le risque n’était pas de voir s’exprimer une critique d’Israël, parfaitement légitime dans un cadre scientifique, mais de permettre que le prestige d’une telle institution serve de paravent à un militantisme idéologique financé, directement ou indirectement, par un État étranger. La décision d’annuler le colloque, in fine, prise par la direction du Collège de France, n’est pas un acte de censure : c’est un acte de responsabilité.

Elle rappelle une évidence qu’on semble vouloir oublier dans le débat : la liberté académique n’est pas un alibi pour transformer les institutions de la République en relais de propagande. Il ne s’agissait pas de protéger un camp contre un autre. Il s’agissait de protéger l’intégrité du débat intellectuel et académique français. Et cela, au contraire de ce que prétendent les organisateurs, relève pleinement de la mission des institutions publiques françaises, y compris académiques.

Liste des signataires :

Patrick HETZEL, député du Bas-Rhin, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Bruno RETAILLEAU, sénateur de la Vendée, président des Républicains

Laurent WAUQUIEZ, député de Haute-Loire, président du groupe Droite républicaine

Mathieu DARNAUD, sénateur de l’Ardèche, président du groupe Les Républicains

Thibault BAZIN, député de la Meurthe-et-Moselle

Jean-Didier BERGER, député des Hauts-de-Seine

Catherine BELRHITI, sénatrice de la Moselle

Sylvie BONNET, députée de la Loire

Émilie BONNIVARD, députée de la Savoie

Jean-Yves BONY, député du Cantal

Ian BOUCARD, député du Territoire de Belfort

Jean-Luc BOURGEAUX, député de l’Ille-et-Vilaine

Valérie BOYER, sénatrice des Bouches-du-Rhône

Hubert BRIGAND, député de la Côte-d’Or

Max BRISSON, sénateur des Pyrénées-Atlantiques

Laurent BURGOA, sénateur du Gard

Alain CADEC, sénateur des Côtes-d’Armor

Marie-Claire CARRÈRE-GEE, sénatrice de Paris

François-Xavier CECCOLI, député de la Haute-Corse

Pierre CORDIER, député des Ardennes

Josiane CORNELOUP, députée de la Saône-et-Loire

Marie-Christine DALLOZ, députée du Jura

Marc-Philippe DAUBRESSE, sénateur du Nord

Dominique DE LEGGE, sénateur d’Ille-et-Vilaine

Chantal DESEYNE, sénatrice d’Eure-et-Loir

Julien DIVE, député de l’Aisne

Sabine DREXLER, sénatrice du Haut-Rhin

Dominique ESTROSI-SASSONE, sénatrice des Alpes-Maritimes

Fabien DI FILIPPO, député de la Moselle

Gilbert FAVREAU, sénateur des Deux-Sèvres

Laurence GARNIER, sénatrice de la Loire-Atlantique

Béatrice GOSSELIN, sénatrice de la Manche

Philippe GOSSELIN, député de la Manche

Jacques GROSPERRIN, sénateur du Doubs

Justine GRUET, députée du Jura

Pascale GRUNY, sénatrice de l’Aisne

Michel HERBILLON, député du Val-de-Marne

Lauriane JOSENDE, sénatrice des Pyrénées-Orientales

Else JOSEPH, sénatrice des Ardennes

Philippe JUVIN, député des Hauts-de Seine, professeur des universités

Roger KAROUTCHI, sénateur des Hauts-de-Seine

Christian KLINGER, sénateur du Haut-Rhin

Christine LAVARDE, sénatrice des Hauts-de-Seine

Corentin LE FUR, député des Côtes-d’Armor

Ronan LE GLEUT, sénateur représentant les Français établis hors de France

Henri LEROY, sénateur des Alpes-Maritimes

Éric LIÉGEON, député du Doubs

Véronique LOUWAGIE, députée de l’Orne

Élisabeth de MAISTRE, députée des Hauts-de-Seine

Alexandra MARTIN, députée des Alpes-Maritimes

Thierry MEIGNEN, sénateur de la Seine-Saint-Denis

Frédérique MEUNIER, députée de la Corrèze

Damien MICHALLET, sénateur de l’Isère

Brigitte MICOULEAU, sénatrice de la Haute-Garonne

Laurence MULLER-BRONN, sénatrice du Bas-Rhin

Georges NATUREL, sénateur de la Nouvelle-Calédonie

Jérôme NURY, député de l’Orne

Jean-Jacques PANUNZI, sénateur de la Corse-du-Sud

Éric PAUGET, député des Alpes-Maritimes

Stéphane PIEDNOIR, sénateur de Maine-et-Loire

Kristina PLUCHET, sénatrice de l’Eure

Alexandre PORTIER, député du Rhône

Jean-François RAPIN, sénateur du Pas-de-Calais

Nicolas RAY, député de l’Allier

Hervé REYNAUD, sénateur de la Loire

Vincent ROLLAND, député de la Savoie

Hugues SAURY, sénateur du Loiret

Elsa SCHALK, sénatrice du Bas-Rhin

Marc SENE, sénateur du Bas-Rhin

Bruno SIDO, sénateur de la Haute-Marne

Jean SOL, sénateur des Pyrénées-Orientales

Laurent SOMON, sénateur de la Somme

Jean-Pierre TAITE, député de la Loire

Jean-Louis THIÉRIOT, député de la Seine-et-Marne

Anne VENTALON, sénatrice de l’Ardèche

Jean-Pierre VIGIER, député de la Haute-Loire