Ne bâillonnons pas le débat sur l’écologie
Publié le 22/10/2025 dans les catégories Environnement Médias
Patrick Hetzel est signataire de la tribune collective "Ne bâillonnons pas le débat sur l’écologie" publiée le 22/10/2025
Quarante-quatre parlementaires ont récemment signé dans Ouest-France un appel à « légiférer contre la désinformation climatique », relayant les thèses de l'ONG QuotaClimat.
Sous le couvert de « protéger le droit à l'information », ce texte menace en réalité deux piliers de notre démocratie : la liberté de la presse et le pluralisme du débat public.
L'écologie est une question trop sérieuse pour être réduite à un dogme. Trop importante pour être confiée à une police de la pensée qui déciderait ce qu'il est « raisonnable » ou non d'écrire.
Pour décrire ce qui est raisonnable, les signataires de la tribune reviennent sur le débat autour de l'acétamipride, un insecticide autorisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) dans toute l'Union européenne. La loi Duplomb, fortement débattue, proposait d'harmoniser la législation française sur celle des 26 autres pays membres de l'UE. D'autres institutions en France ont émis un avis différent, favorable au maintien de son interdiction. Il y a donc débat sur ce sujet. Mais selon les signataires, la « science » imposait aux journalistes qui informaient sur la loi Duplomb de privilégier les arguments de certains organismes à ceux de l'EFSA.
Atteinte à la liberté de penser et d'informer
Dans un raccourci aussi saisissant qu'effrayant, les opposants au texte ont affirmé, en prétendant s'appuyer sur la science, que ceux qui voteraient pour voteraient pour… le cancer ! Dans une sorte de « trumpisme vert », certains n'ont pas hésité à remettre en cause la validité des avis de l'EFSA, en laissant entendre que cette agence européenne publique n'était pas indépendante. Pourtant, des scientifiques ont dénoncé les biais dans les études sur l'acétamipride fournies par certaines ONG écologistes, d'autres ont mis en évidence que le lien entre acétamipride et cancer n'avait pas de fondement.
Faut-il désormais considérer que relayer ces analyses, issues de scientifiques chevronnés, constitue une « désinformation » ? Qui sera légitime pour imposer une « vérité scientifique » ?
Sous le couvert de lutter contre la désinformation, la tribune de Quota Climat et de 44 parlementaires entend contraindre la presse à trier les différentes études scientifiques : celles qui vont dans le sens d'une idéologie qui prône la décroissance et les autres, qui devraient être systématiquement écartées. Elle traduit une scandaleuse tentative d'atteinte à la liberté de penser et d'informer.
Récemment, un historien des sciences, abondamment relayé par des grands médias comme Le Monde ou France Inter, a remis en cause les rapports du Giec sur le climat au motif qu'ils intégreraient trop – selon lui – les solutions technologiques pour baisser les émissions de gaz à effet de serre. Quelle vision les médias devraient-ils privilégier ? Vont-ils devoir demain escamoter les avis du Giec, parce qu'ils ont le malheur de déplaire aux tenants de la décroissance ?
La réalité est simple : les études scientifiques ne sont pas toujours univoques. Une étude peut contredire une autre. L'état des connaissances évolue. C'est pourquoi le rôle du journalisme n'est pas de sacraliser une vérité unique, mais de rendre compte de la complexité, des incertitudes et des débats scientifiques.
Qualifier trop vite de « désinformation » ce qui contredit une thèse militante, c'est réduire au silence les journalistes, les chercheurs, les responsables publics qui s'écartent de la ligne idéologique dictée par quelques ONG ou partis politiques.
C'est aussi trahir la science, qui n'avance que par confrontation d'hypothèses et par débats ouverts.
La crise climatique comme les enjeux de la pollution de l'eau, de l'air ou des sols, ou encore les pertes de biodiversité, invitent chaque jour davantage les décideurs politiques à prendre des décisions fortes. Mais elles ne peuvent reposer que sur une démocratie ouverte, où les citoyens sont éclairés par un débat contradictoire.
Ce n'est pas en instaurant une police médiatique, comme le propose Quota Climat, que l'on combattra les fausses informations, mais en renforçant l'expression scientifique pluraliste et le journalisme rigoureux.
Premiers signataires : François de Rugy, ancien ministre de l'Écologie ; Laurent Lesage, grand reporteur ; Géraldine Woessner, rédactrice en chef au Point ; Benjamin Sire, rédacteur en chef de Les Électrons Libres. Cosignataires : Olivier Becht, député du Haut-Rhin (Ensemble pour la République) ; Anne-Laure Blin, députée du Maine-et-Loire (Droite républicaine) ; Éric Bothorel, député des Côtes-d'Armor (Ensemble pour la République) ; Ian Boucard, député du Territoire de Belfort (Droite républicaine) ; Bertrand Bouyx, député du Calvados (Horizons) ; Lionel Causse, député des Landes (Ensemble pour la République) ; Antoine Copra, directeur de la rédaction (Les Électrons Libres) ; Élisabeth de Maistre, députée des Hauts-de-Seine (Droite républicaine) ; Anne Denis, ingénieure agronome, journaliste (GEO, Franc-Tireur) ; Julien Dive, député de l'Aisne (Droite républicaine) ; Emmanuelle Ducros, journaliste (L'Opinion) ; Nicolas Forissier, député de l'Indre, ancien ministre (Droite républicaine) ; Anne Genetet, députée des Français établis hors de France (Ensemble pour la République) ; Justine Gruet, députée du Jura (Droite républicaine) ; Édouard Hesse, essayiste (Slate, Atlantico) ; Pierre Henriet, député de Vendée (Horizons) ; Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin, ancien ministre (Droite républicaine) ; Sébastien Huyghe, député du Nord (Ensemble pour la République) ; Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement, député du Val-de-Marne (Droite républicaine) ; Guillaume Kasbarian, député d'Eure-et-Loir, ancien ministre (Ensemble pour la République) ; Yann Kerveno, journaliste (Le Parisien, La Tribune Montpellier) ; Nicole Le Peih, députée du Morbihan (Ensemble pour la République) ; Éric Liégeon, député du Doubs (Droite républicaine) ; Mac Lesggy, ingénieur agronome, journaliste (E = M6) ; Sandra Marsaud, députée de Charente (Ensemble pour la République) ; Laure Miller, députée de la Marne (Ensemble pour la République) ; Christelle Minard, députée d'Eure-et-Loir (Droite républicaine) ; Jérôme Nury, député de l'Orne (Droite républicaine) ; Pascal Perri, journaliste (LCI) ; Anne-Sophie Ronceret, députée des Yvelines (Ensemble pour la République) ; Peggy Sastre, docteure en philosophie des sciences, journaliste ; Raphaël Schellenberger, député du Haut-Rhin (Non Inscrit) ; Jean-Pierre Taite, député de la Loire (Droite républicaine) ; Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne (Droite républicaine) ; Stéphane Travert, député de la Manche, président de la commission des Affaires économiques, ancien ministre (Ensemble pour la République) ; Frédéric Valletoux, député de Seine-et-Marne, président de la commission des Affaires sociales (Horizons) ; Stéphane Varaire, vulgarisateur scientifique (Terre à Terre).