Nouvelle‑Calédonie : reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province
Publié le 30/10/2025 dans les catégories Affaires internationales
Intervention de Patrick Hetzel le 28.10.25, orateur pour le groupe Droite Républicaine, portant sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle‑Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion en vue d’un accord consensuel sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle‑Calédonie :
"Madame la Présidente, Madame le Ministre, Monsieur le Rapporteur, chers collègues
Un an après les émeutes de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie porte encore les marques profondes d’une tragédie nationale : quatorze morts, un gendarme décédé, plus d’une centaine de blessés parmi les forces de l’ordre, des centaines d’entreprises détruites, pour un coût estimé à 1,2 milliard d’euros. Un an plus tard, les cicatrices sont encore là : un Calédonien sur cinq vit dans la précarité, 40% des commerces du Grand Nouméa n'ont toujours pas rouvert leurs portes. Le chômage a explosé de 12% en un an, atteignant 28% dans le Nord et les Îles Loyauté. Des écoles fonctionnent encore en horaires réduits faute de locaux sécurisés, et des communes luttent pour retrouver une vie normale.
Alors aujourd’hui, la question n’est pas théorique. Faut-il organiser des élections dans un territoire encore à genoux ? Ou lui donner le temps de se relever ?
La vérité, c’est que la paix civile est encore fragile et que la reconstruction n’en est qu’à ses débuts. Dans ce contexte, personne ne peut sérieusement prétendre qu’une campagne électorale précipitée contribuerait à la stabilité.
Ce texte n’est pas un calcul politique, c’est un choix de responsabilité nationale. Ce n’est ni une suspension de la démocratie, ni un blanc-seing donné à quiconque. C’est un geste d’apaisement, un temps offert au dialogue, un temps pour que la République reprenne pied, calmement, sur ce territoire meurtri. Ce report n’est pas un vote pour ou contre l’accord de Bougival. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est simplement créer les conditions de sa mise en œuvre, en donnant à la parole politique le temps d’être comprise, expliquée et acceptée.
Le Conseil d’État, dans son avis du 4 septembre, a estimé que ce report ne se heurtait à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel. Il est proportionné, justifié par l’intérêt général, et il s’inscrit dans un calendrier précis : un référendum sur l’accord en février 2026, une loi organique spéciale au printemps, et des élections provinciales reportées au 28 juin 2026. Ce report n’est donc pas un recul, mais une condition pour trouver un équilibre qui permette d’éviter la guerre civile, de sortir de l’impasse et de préparer l’avenir.
L’accord de Bougival, signé le 12 juillet dernier, n’est pas parfait, mais il a le mérite du courage. Il cherche à sortir du face-à-face stérile entre loyalistes et indépendantistes, il acte que la Nouvelle-Calédonie reste française tout en reconnaissant sa singularité et ses blessures. Il remet le dialogue au centre, là où la violence avait pris le dessus. Comme Matignon en 1988 ou Nouméa en 1998, il s’inscrit dans cette tradition des grands accords républicains où la France a su trouver le chemin de la paix par la discussion et non par la confrontation. Ce texte que nous votons aujourd’hui n’est pas un débat sur Bougival, mais une étape pour que la paix ait une chance.
La Nouvelle-Calédonie n’est pas une carte électorale. Ce n’est pas un terrain de jeu pour les calculs politiciens de Paris. C’est une terre française qui souffre, où des familles ont tout perdu, où des communes manquent encore d’eau, de sécurité, d’écoles. Rejeter ce texte serait envoyer un signal terrible : celui de la division et du renoncement. Ce serait dire à ceux qui ont semé le désordre qu’ils ont gagné. Nous, nous disons l’inverse : la République ne cède pas à la violence. Elle tend la main, mais elle ne tremble pas.
La droite républicaine, fidèle à son histoire, choisit le chemin du courage et de la clarté : le courage de refuser les postures des extrêmes, la clarté de défendre la souveraineté de la France, et la volonté de construire un avenir commun dans la République. Oui, nous devons parler à tous les Calédoniens, car un accord durable ne se fera ni contre les uns, ni sans les autres. Il faut reconstruire un contrat de confiance, redonner de l’espoir, du travail et surtout le goût du vivre ensemble.
Alors oui, nous voterons ce texte. Parce que la République doit tenir bon. Parce que la Nouvelle-Calédonie mérite notre confiance. Parce que le vivre-ensemble, même si profondément abîmé, doit rester notre boussole.
Et surtout, parce que nous croyons en l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, dans la République, avec tous ses enfants."