Patrick Hetzel : « Les problèmes ne sont pas chez LR, mais au sein de la macronie »

Publié le 02/05/2023 dans les catégories Politique

Patrick Hetzel : « Les problèmes ne sont pas chez LR, mais au sein de la macronie »

Pour le député du Bas-Rhin et vice-président de la commission nationale d’investiture de notre mouvement, Patrick Hetzel, ce n’est pas chez LR que des désaccords se font sentir autour du débat du projet de loi sur l’immigration, mais plutôt au sein de la majorité présidentielle, qui peinerait à « accoucher d’un texte qui pourra convenir à toutes les ailes de la macronie », comme il l’explique au JDD.

Elisabeth Borne a confirmé ce midi que le projet de loi sur l’immigration, pourtant une priorité de ce quinquennat, ne fera pas partie de sa feuille de route pour les 100 prochains jours, qu’en pensez-vous ?

J’ai entendu que Mme Borne disait qu’elle souhaitait décaler le débat autour de ce texte, en prétextant des désaccords entre les deux groupes parlementaires LR, entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Chercher à poser une pierre dans le jardin des LR, c’est véritablement se moquer du monde puisqu’en réalité c’est elle qui aujourd’hui est en difficulté par rapport à sa propre majorité sur ce texte.

La Première ministre renvoyait la faute vers les LR, en vous accusant de ne pas être d’accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, y a-t-il finalement de si grosses divergences ?

Tout d’abord, il n’y a pas de grosses divergences. Mais qu’il puisse y avoir des points qui nécessitent de la coordination entre nos deux groupes parlementaires, au Sénat et à l’Assemblée, c’est bien la moindre des choses, parce que si l’on est un copier-coller d’une assemblée à l’autre, cela voudrait dire que l’une des deux chambres n’aurait plus sa place. Il faut savoir raison garder.

C’est Élisabeth Borne qui est à la recherche d’une majorité, cela n’est pas nouveau, cela fait un an. Mais lancer des piques de ce type-là, c’est sans grand intérêt, et bien au contraire si l’on est à la recherche d’une majorité. Ce n’est pas très habile, c’est le moins que l’on puisse dire. Visiblement, elle n’a pas le portefeuille du Quai d’Orsay et de la diplomatie.

Le texte est donc repoussé, en attendant de trouver un accord. Sur quelles mesures pourriez-vous tomber d’accord ?

Aujourd’hui, je ne peux pas vous répondre là-dessus, puisque nous ne savons pas ce que le gouvernement veut mettre dans le texte. Nous sommes en train de conduire un travail, en coordination entre les deux groupes parlementaires, où nous allons indiquer au gouvernement quelles sont pour nous les lignes rouges.

Ces lignes rouges, de quel ordre sont-elles ?

Ne pas être uniquement dans l’incantation, mais dans la mise en œuvre, par exemple. Lorsqu’on a une obligation de quitter le territoire français, qu’elle soit mise en œuvre. Il doit y avoir à partir de là, de véritables actions de reconduction à la frontière. C’est un exemple, mais le travail nous sommes encore en train de le conduire, mais ce qui est très étonnant, c’est que pour le moment, le gouvernement reste extrêmement évasif sur ce qui serait véritablement dans le texte d’après eux.

Une des mesures phares qui ne vous convenait pas chez LR était la question de la régularisation pour les travailleurs immigrés des secteurs en tensions, y êtes-vous toujours opposés ?

Nous sommes au cœur du réacteur avec cette question : telle qu’elle se pose aujourd’hui, vous avez un certain nombre de personnes qui sont en situation irrégulière sur le sol français. Rentrer dans une logique de régularisation, alors même que ces personnes font l’objet d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) est tout de même assez hallucinant. Le gouvernement serait dans une logique où il chercherait à utiliser une mesure dans un texte de loi, pour légaliser quelque chose d’illégal. Cela ne peut que créer un appel d’air. Tel que cela a été annoncé, cela ne peut que poser problème.

Vous ne soutiendrez donc jamais un texte portant cette mesure-là ?

Je rappelle que ce sont des choses qui avaient été envisagées, notamment du temps de Nicolas Sarkozy. La mise en place dans certaines professions de mesures de quota avait été envisagée, mais très en amont. On ne se situait pas dans la régularisation de gens qui seraient déjà sur le sol français : en procédant de la sorte on crée un appel d’air. Cela ne peut pas fonctionner dans ce sens-là.

Qu’allez-vous faire côté LR concrètement sur le sujet ? Allez-vous déposer une proposition de loi, comme Olivier Marleix semble le souhaiter ?

Bien sûr, nous allons y travailler, nous avons un séminaire du groupe LR le 3 mai qui va aborder cette question-là entre autres.

Quitte à ce que votre proposition soit reprise par le gouvernement ?

Si le gouvernement reprend intégralement un texte qui est le nôtre, nous ne sommes pas schizophrènes : nous serons en mesure à ce moment-là de voter un tel texte. Mais il faudrait vraiment que ce soit notre texte.

Avez-vous été en contact avec les services de Gérald Darmanin pour travailler le texte ?

Pour le moment, les échanges ont été très en amont, pas du tout sur un texte précis… Il y a quinze jours encore, le ministre de l’Intérieur lui-même nous annonçait que le texte allait être découpé. Et puis finalement, le Président de la République a dit à nouveau le contraire, désavouant en cela son ministre de l’Intérieur… Nous aussi, on se dit que c’est quand même étonnant. Les vrais problèmes ne se posent pas chez LR, mais au sein de la macronie même. Ils ont de toute évidence un mal de chien à arriver à accoucher d’un texte qui pourra convenir à toutes les ailes de la macronie.

Que penser de l’annonce d’envoi de gendarmes et policiers supplémentaires dans les Alpes-Maritimes pour lutter contre la pression migratoire ?

Ce sont des annonces qui ont déjà été faites. Dans cette intervention, il y a beaucoup de recyclage de mesures, vous évoquez la mesure spécifique pour les Alpes-Maritimes tout à fait nécessaire, mais elle n’est pas nouvelle, tout comme n’est pas nouvelle l’annonce faite par la Première ministre autour des 200 brigades de gendarmerie supplémentaires. On nous dit « 100 jours pour avancer », mais en fait dans le discours, c’est beaucoup de recyclage.

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