Pourquoi le député Patrick Hetzel n’a pas voté en faveur des motions de censure du 16 octobre 2025
Publié le 16/10/2025 dans les catégories Politique
Pourquoi le député Patrick Hetzel n’a pas voté en faveur des motions de censure du 16 octobre 2025
" Vous êtes évidemment nombreux à m’interroger pour savoir pourquoi, aujourd’hui, alors que deux motions de censure étaient déposées et débattues à l’Assemblée nationale, l’une par le groupe RN et l’autre par le groupe LFI, je n’ai voté en faveur ni de l’une ni de l’autre. Il est essentiel que je puisse vous répondre simplement, honnêtement, directement. Je ne prétends nullement détenir la vérité à ce sujet et les choix ne sont pas simples entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Toutefois, en mon âme et conscience, je pense qu’à ce stade, censurer comporte plus d’inconvénients que d’avantages. Et croyez-moi, contrairement à ce que j’entends, cette position n’est pas un manque de courage. Ceux qui me connaissent savent d’une part quelle est l’intensité de mon engagement et d’autre part, que je ne chercherai jamais à privilégier ma situation personnelle par rapport à ce que je pense être l’intérêt général.
Permettez-moi avant tout de rappeler que la position constante du groupe des députés de la Droite Républicaine a toujours été de refuser la censure a priori (sauf en cas de gouvernement avec des ministres LFI). Je le dis d’autant plus volontiers que l’année dernière, le parti socialiste avait décidé, a priori, de faire tomber le gouvernement Barnier auquel j’appartenais, sans se préoccuper de ce qu’était vraiment le projet gouvernemental.
Voter, à ce stade, une motion de censure et provoquer une dissolution dans la foulée entraînerait des conséquences très lourdes. En effet, la chute du Gouvernement de Michel Barnier l’an dernier a coûté 12 milliards d’euros aux finances publiques en moins de 6 mois. Sans compter qu’une dissolution coûterait encore davantage. Et pour l’année 2026, une absence de budget au 1er janvier 2026 aggraverait mécaniquement de 11 milliards d’euros le déficit de la France.
Mais ne pas avoir de budget au 31 décembre 2025, c’est plonger dans l’incertitude tous les acteurs économiques, entreprises, artisans, commerçants alors que la France va enregistrer cette année un record historique de défaillances de PME (plus qu’en 2009 après la crise financière). C’est aussi geler les moyens consacrés à l’ensemble des services publics tels que les collectivités territoriales (communes, départements, etc.), l’hôpital, l’école mais aussi nos forces de sécurité et principalement nos armées, alors qu’il y a urgence à accroitre notre effort de défense dans le contexte géopolitique que nous connaissons.
La non censure ne préjuge évidemment pas de la suite. Il n’est pas certain qu’un budget sera adopté in fine mais n’accorder aucune chance au débat parlementaire, à ce stade, ne serait pas sérieux pour un parlementaire. Evidemment il faudra être extrêmement attentif et veiller à ce que le budget de la France ainsi que celui des comptes sociaux ne dérivent pas mais faire tomber maintenant le gouvernement c’est potentiellement créer plus de difficultés encore.
Pour votre parfaite information, la suspension de la réforme des retraites a été mise sur la table toutefois pour être actée, cette dernière devra être votée par le Parlement. A ce stade, il n’y a aucune certitude que la réforme des retraites sera effectivement suspendue. Seul le débat parlementaire pourra en décider.
Evidemment, la copie budgétaire qui nous est présentée n’est pas satisfaisante mais le rôle des parlementaires est de l’amender, de la modifier, de l’améliorer.
Avec mes collègues députés, nous pourrons faire valoir nos différences, notamment sur la baisse des dépenses publiques administratives plutôt que les hausses d’impôts ; la défense du travail face à l’assistanat ; la nécessaire restauration de l’autorité et le renforcement des moyens de l’Etat pour la sécurité, la justice et la défense ; le soutien à la production agricole et industrielle ; le renforcement des services publics de proximité (éducation, santé, dépendance). Voilà les vrais combats que nous devons mener dans les semaines qui viennent à l’Assemblée nationale. Censurer c’est refuser ce combat avant même de l’avoir engagé.
Pour finir, il faut distinguer ce qui relève de l’urgence immédiate (adopter un budget malgré une Assemblée nationale divisée entre 11 groupes parlementaires où il est impossible d’imposer l’ensemble de ses idées et où il faut par conséquent trouver des compromis) de la grande clarification démocratique qui aura automatiquement lieu avec l’élection présidentielle de 2027. Le débat présidentiel commencera dans moins d'un an : il permettra aux Français de trancher entre les différents projets politiques.
D'ici là, il faut agir pour le moindre mal dans une période où le pire est possible. Et se concentrer sur l'essentiel, sans jamais perdre de vue l’intérêt des Françaises et des Français ainsi que du pays. Voilà ce qui motive mon choix que je pense sérieux et raisonnable, au service de l’intérêt général. "
Patrick HETZEL
Député du Bas-Rhin
Ancien Ministre