Reconquérir notre souveraineté minérale

Publié le 15/03/2024 dans les catégories Economie Energie

La commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France dont les conclusions ont été rendues en avril 2023 a entre autres permis d’établir que la France avait totalement perdu sa souveraineté minérale ; les activités extractives et les premières transformations ayant été transférées vers des pays à bas coût de main d’œuvre et moins regardantes en termes de normes environnementales. Cette forte dépendance vis-à-vis de l’Asie, de l’Amérique centrale ou de l’Afrique nous affaiblit grandement puisqu’elle a un impact direct sur la pérennité des compétences et sur le tissu industriel liés à ces ressources minérales. Et l’absence d’industrie extractive en métropole a même changé le regard de notre société sur cette industrie, la pensant dépassée et non respectueuse de l’environnement.

Or, de très nombreux métaux seront pourtant nécessaires pour répondre à nos besoins en termes d’énergies décarbonées et numériques notamment pour la fabrication des batteries électriques ou des éoliennes. D’ici 2050, il est acté qu’il faudra produire plus de ressources minérales que depuis le début de l’humanité. Il est aujourd’hui indispensable pour sécuriser les approvisionnements en métaux dont nous aurons besoin dans les années à venir, de (re)développer une industrie minière française. Et ce, d’autant plus que les ressources sont là : la France est dotée, en effet, de sols riches en métaux (lithium, tungstène, zinc, gallium, nickel, cobalt…), avec notamment un fort potentiel dans le Massif central ou en Bretagne. Les gisements d’intérêts économiques sont nombreux sur notre territoire. Rien que pour le lithium par exemple, la France disposerait de capacités identifiées suffisantes pour équiper plus de 700 000 à 950 000 voitures de batteries électriques par an pendant plusieurs décennies.

Nous devons donc investiguer à nouveau notre sous-sol, relocaliser en assumant les besoins en ressources minérales nécessaires aux choix de notre société et ainsi reconquérir une souveraineté minérale. Plutôt que de transférer cette activité à l’autre bout du monde, dans des conditions difficilement maîtrisables en termes d’atteinte à l’environnement, il est sans doute plus judicieux de développer cette industrie minière sur notre territoire, en minimisant autant que possible son impact environnemental par le respect des standards applicables aux mines responsables. A l’instar de ce que font aujourd’hui l’Espagne ou les pays scandinaves, il est tout à fait possible de concilier le développement de l’industrie minière avec celui des énergies vertes : ces deux trajectoires ne sont pas antinomiques.

Des entreprises spécialisées dans ce domaine développent aujourd’hui des projets d’exploitation « propres » très prometteurs, conciliant extraction des ressources et diminution de l’empreinte environnementale. Bien évidemment, la minimisation de l’impact environnemental a forcément un coût mais compte tenu des retombées en matière économique et énergétique, il paraît opportun de prendre en charge ces coûts et d’assumer le risque financier s’y attachant. Il faudra également envisager des processus de concertation avec les populations locales pour faire accepter ces nouveaux projets, les associer et faire preuve de pédagogie afin de construire en lien avec ces populations. Pour favoriser l’émergence d’une nouvelle industrie minière en France, le Bureau de recherche géologique et minières (BRGM) doit dans un premier temps procéder à un nouvel « inventaire minier ». Comme le précise le BRGM, les informations récoltées permettraient aussi, par effet domino, de mieux connaître notre sous-sol et pourraient ainsi bénéficier à des secteurs bien plus vastes que ceux couverts par le seul inventaire minier.

Nous pourrions ainsi progresser dans la connaissance des ressources en eau, des risques naturels, ou encore l’aménagement du territoire. Même s’il est certain que le sous-sol français ne pourra pas assurer à lui seul la fourniture de toutes les ressources dont nous aurons besoin et que des importations resteront nécessaires, nous avons sous nos pieds un trésor minier qu’il serait dommage de ne pas exploiter. C’est donc toute une filière à démarrer et les entreprises françaises spécialisées sont prêtes à participer à cet effort de réindustrialisation et de développement de la filière énergétique minière afin de reconquérir notre souveraineté minérale. Mais pour ce faire, il faut une véritable volonté politique à relancer et financer cette filière. Les annonces faites sur ce sujet par le Président de la République en septembre 2023 semblent rester sans suite. C’est pourquoi il est indispensable que le Gouvernement s’engage pleinement et dès maintenant dans cette voie alors même que nous attendons encore la nouvelle loi de programmation énergétique et climatique pour 2024-2028.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution que Patrick Hetzel a cosigné et qui s’inscrit dans le droit fil des travaux qu’il avait menés au sein de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques au sujet des Matières Premières Stratégiques et Critiques et des Terres Rares.