Traité d’Aix-la-Chapelle : Discours de Patrick Hetzel au nom du groupe Les Républicains

Publié le 04/10/2019 dans les catégories Europe

« Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

Aujourd’hui est un jour important pour la relation franco-allemande ! Ce vote en faveur de traité dit d’Aix la Chapelle est l’occasion de saluer ce qui a été fait mais aussi de dresser les grandes lignes du travail à venir. Ce qui a été fait au cours des dernières décennies en faveur de la coopération franco-allemande est très important et reste un acquis précieux pour aller désormais plus loin encore. En effet, en 1963, le traité de l’Elysée s’inscrivait pleinement dans la volonté d’une réconciliation franco-allemande et le symbole d’une double signature par l’Etat Français et l’Etat allemand au travers du chancelier Adenauer et du président De Gaulle était une symbolique annonciatrice de la dynamique réelle et positive qui s’en est suivie et dont nous sommes indiscutablement les héritiers. A ce titre, nous devons être dignes de cet héritage, en comprendre l’origine et les motivations, afin de le faire fructifier et de transmettre aux générations futures ce précieux bien que constitue la paix entre nos deux Nations qui nous a été légué par nos prédécesseurs.

Ma famille politique s’inscrit sans ambiguïté dans cet héritage et c’est la raison pour laquelle, nous avons évidemment soutenu sans réserve l’accord parlementaire franco-allemand signé en début d’année et que nous soutenons aussi le traité d’Aix-la-Chapelle, même si nous déplorons que sur certains points il ne va pas assez loin et qu’il est trop dans l’incantation et insuffisamment dans les propositions d’actions concrètes au service de nos concitoyens en France et en Allemagne.

Les questions que se posent nos concitoyens lorsqu’on leur parle de ce traité intergouvernemental de coopération entre la France et l’Allemagne, sont les suivantes : est-ce utile ? est-ce que cela apporte quelque chose de plus à l’édifice existant ? Après tout, pendant plus d’un demi-siècle le traité de l’Elysée a bien fonctionné et son contenu était très simple : la création de l’office franco-allemand pour la jeunesse pour intensifier les échanges entre les jeunes de nos deux pays, l’affirmation solennelle de la volonté de coopérer le plus étroitement possible dans un vaste champ allant de la politique économique aux affaires internationales et à la défense et enfin, la mise en place d’un calendrier fixant des rencontres fréquentes et régulières entre les responsables gouvernementaux de nos deux pays. Il s’en est suivi une pratique très utile de concertation quasi permanente entre les gouvernements allemands et français qui a permis bon nombre de rapprochements de nos positions qui étaient a priori différentes entre la France et l’Allemagne et bien entendu, au-delà, à l’émergence de compromis européens. Et il faut bien dire que de ce point de vue, le traité franco-allemand signé à Aix-la-Chapelle dont nous parlons ce matin, rajoute certes de nouveaux domaines de coopération mais sa portée nouvelle me semble mineure par rapport à ce qui a déjà été construit grâce au traité de l’Elysée. L’ambition aurait pu être plus grande. La chancelière Merckel le disait d’ailleurs à Aix-la-Chapelle le 22 janvier dernier : « La question décisive est de savoir si derrière ce traité il y a bien la volonté de le faire vivre ainsi qu’une véritable ambition ». Nous le savons bien, la coopération franco-allemande en Europe, a souvent été le théâtre de conflits d’intérêts et d’idées. Et parfois même, la nature des problèmes de politique intérieure a bloqué la recherche de solutions communes.

Cette situation n’a pas changé comme en atteste encore une déclaration datant d’il y a quelques mois de Madame Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente de la CDU, récemment devenue ministre de la Défense, qui veut déplacer le siège du parlement européen de Strasbourg à Bruxelles faisant fi de la dimension symbolique que représente Strasbourg à la fois dans la réconciliation franco-allemande et la construction européenne. Il sera de notre devoir, ici au sein de l’Assemblée nationale et de l’assemblée parlementaire franco-allemande nouvellement créée, d’œuvrer par ce que l’on peut appeler la diplomatie parlementaire, pour que Strasbourg reste bien le siège du parlement européen : il y a là quelque chose qui va bien au-delà de préoccupations logistiques et comptables. Madame la Ministre, l’un de vos devoirs, si l’on reprend l’esprit du traité d’Aix-la-Chapelle, sera de tout mettre en œuvre afin de convaincre notre partenaire allemand que le siège du Parlement européen relève du sujet simplement non négociable. Dans le même ordre d’idée, vous devez œuvrer inlassablement afin que les projets industriels actuellement en cours entre la France et l’Allemagne, je pense par exemple à l’avion de combat du futur, puissent advenir car nous sentons se lever des réticences qui ne sont pas du tout dans l’esprit du traité d’Aix-la-Chapelle. En somme, ce traité sera ce que les gouvernements français et allemands accepteront concrètement d’en faire. Bien entendu, ne soyons pas naïfs, des différences vont perdurer entre la France et l’Allemagne mais la vraie richesse est ailleurs : elle est dans la capacité à développer une intelligence collective pour gérer ces différences. La construction européenne a été et continuera à être possible, aussi longtemps que nous serons capables de gérer ces différences en amont et d’éviter qu’elles ne soient un frein à la construction d’un destin commun. Ceci étant, la crise de la zone euro l’a mis en évidence : la pression politique rend les compromis franco-allemands de plus en plus difficiles car l’opinion publique de nos deux pays tire souvent dans un sens inverse. Cela montre la limite des seules approches gouvernementales et milite évidemment en faveur d’un travail de fond pour associer les citoyens dans la coopération franco-allemande. Cela figure déjà dans le traité de l’Elysée au travers des jumelages, des échanges et des coopérations mais la bonne nouvelle, c’est que désormais nos deux assemblées : le Bundestag et l’Assemblée nationale, s’engagent à accompagner et à être force de proposition et d’action dans cette coopération franco-allemande.

Alors disons le haut et fort, et soyons en fiers, tout ce qui contribuera à intensifier le dialogue et permettra de peser pour que la coopération franco-allemande soit inscrite à tous les étages de notre édifice institutionnel de part et d’autre du Rhin. Soyons donc résolument optimistes mais lucides et que vive la coopération franco-allemande ! »