Mieux contrôler les EHPAD privés lucratifs

Publié le 24/11/2023 dans les catégories Santé Vie sociale

Dans le cadre des discussions portant sur la proposition de loi "Bâtir la société du bien vieillir en France", Patrick Hetzel est une nouvelle fois intervenu pour proposer des mesures plus coercitives afin de mieux contrôler les EHPAD privés lucratifs.

« Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 180.

M. Patrick Hetzel

Le scandale des Ehpad privés à but lucratif en a révélé un autre, qui a affecté les petits épargnants ayant décidé d’investir dans le financement d’Ehpad. Nous proposons que les exploitants d’Ehpad soient astreints à des mises aux normes régulières des établissements. Si ces dernières n’ont pas lieu, l’habilitation octroyée par les services de l’État sera retirée. Dans ce cas, nous souhaitons empêcher tout transfert d’habilitation vers un nouvel établissement : en effet, cela incite les investisseurs, en particulier les exploitants privés, à ne pas respecter la législation et à se livrer à des pratiques détestables.

Mme la présidente

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure

Vous proposez d’ajouter le retrait de l’habilitation à l’aide sociale aux sanctions administratives prévues par le code de l’action sociale et des familles. Le conseil départemental peut déjà retirer totalement ou partiellement l’habilitation, notamment si le gestionnaire méconnaît la convention d’habilitation à l’aide sociale. Préciser cela dans la loi ne paraît pas pertinent.
Je profite de l’amendement pour saluer le travail que vous réalisez, notamment avec l’association Ascop-Ehpad, que j’ai moi-même reçue, sur le problème des établissements abandonnés par des exploitants sans que les petits épargnants soient indemnisés.
Cet amendement ne me semble pas être le bon vecteur, même s’il faut faire mieux en la matière. Je vous propose de le retirer ; à défaut, j’y apporterai un avis défavorable.

Mme la présidente

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre

J’ai reçu les groupes privés qui faisaient usage de la faculté que vous avez évoquée. Aujourd’hui, ils n’y ont quasiment plus recours, du fait des difficultés que pose cette pratique, tant aux petits épargnants qu’à eux-mêmes. Nous les avons alertés sur la nécessité de mieux informer : on assistait parfois à des sortes de ventes à la découpe, dont les petits épargnants n’avaient pas connaissance, se retrouvant parfois floués. Il s’agit d’un sujet à part entière. Votre proposition est beaucoup plus large – elle concerne le retrait de l’habilitation à l’aide sociale. Les présidents de conseil départemental ont déjà la faculté de retirer partiellement ou totalement cette habilitation quand ils sont mis au fait d’un problème. Par conséquent, votre demande est déjà satisfaite.

Par ailleurs, en deux ans, sous l’autorité des agences régionales de santé (ARS), nous aurons réussi à contrôler la totalité des 7 500 Ehpad de notre pays, en menant parfois plusieurs contrôles dans le même établissement.

Je suis de très près le sujet des petits épargnants ; j’ai reçu les groupes et les associations concernés. Le périmètre que vous proposez me paraît plus large et empiète sur les compétences des présidents de département. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel

Je suis sensible au fait que vous ayez pris conscience du problème des petits épargnants. Notre objectif est d’éviter que les exploitants ne tombent dans une logique de cavalerie, qui a des conséquences néfastes. Il s’agit non seulement de l’information des investisseurs, mais aussi des pratiques des exploitants. Cet amendement place une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Je souhaite le maintenir : il faut exercer une pression sur les groupes privés lucratifs pour éviter tout débordement de leur part. Le Gouvernement a intérêt à disposer de tels outils pour réguler le système. Il faut savoir manier le bâton et la carotte ; dans certains cas, le bâton est tout de même fort utile, d’où notre amendement.

Mme la présidente

La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune

Si je partage l’objectif de notre collègue Hetzel, je ne suis pas certaine que la solution qu’il propose permette d’atteindre l’objectif visé. La part de places habilitées à l’aide sociale dans le secteur privé commercial est très faible ; la majorité d’entre elles se trouvent dans le secteur public et dans le secteur associatif non lucratif. L’objectif de M. Hetzel est le bon, mais il nous faut réfléchir à d’autres mesures que celle qu’il propose.

(L’amendement no 180 n’est pas adopté.) »